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Alerte : face à une menace immédiate d’exploitation forestière, la communauté Massaha, au Gabon, appelle à la protection de sa forêt sacrée

La communauté protège et entretient sa forêt sacrée depuis des générations, mais celle-ci est maintenant menacée de destruction, malgré l'engagement du gouvernement gabonais envers la Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples. Le Consortium APAC est solidaire de la communauté de Massaha, à l’heure où elle appelle son gouvernement à faire cesser l'exploitation forestière et à la reconnaître légalement sous la législation en vigueur

Canopée de la forêt sacrée non exploitée de Massaha au sud de la rivière Liboumba. Crédit : Mongabay

First published on 01/11/2022, and last updated on 09/21/2023

Comme de nombreuses communautés à travers le monde, la communauté Massaha, située au nord-est du Gabon, a nourri et entretenu ses terres coutumières et sa forêt sacrée pendant des générations grâce à ses pratiques culturelles. Cependant, une partie de sa forêt est l’objet d’un chevauchement avec une concession forestière appartenant à la société chinoise Transport Bois Négoce International (TBNI) et la communauté s’efforce actuellement de sauver son patrimoine bioculturel de l’exploitation forestière. Comme ses membres l’ont déclaré dans une demande formelle adressée au gouvernement en août 2020, l’exploitation forestière risque de « détruire tous les fondements de notre village. Nous ne voulons pas être un village sans racine ni histoire. »

LIRE PLUS : « Gabon : Une entreprise forestière s’installe dans une forêt intacte alors qu’un village se bat pour la sauver » – Mongabay, 20 Mai 2021

Le Gabon est l’un des pays les plus boisés au monde et souvent considéré comme un leader environnemental dans la région, connu pour ses faibles niveaux de déforestation et ses efforts pour développer de solides politiques de protection des forêts. Reconnaissant l’opportunité de soutenir ce leadership, en 2019, par le biais de la Central African Forest Initiative (CAFI), la Norvège s’est engagée à verser 150 millions de dollars américains au Gabon pour la protection de ses forêts. En 2021, elle effectuait un premier paiement de 17 millions de dollars contre résultats.

Depuis août 2020, la communauté Massaha maintient sa demande formelle aux autorités gabonaises de déclasser une partie de la concession forestière de TBNI (leurs terres coutumières, qui incluent des sites sacrés et des villages ancestraux) et de la reclasser comme « aire protégée et domaine de chasse » sous la législation gabonaise en vigueur. A la demande de l’administration gabonaise, le village a tenu une assemblée générale le 28 novembre 2021 (la troisième du genre), au cours de laquelle le village a réitéré sa demande et a proposé un plan de gestion autodéterminé pour la zone. Au moment de la publication, les membres de la communauté Massaha n’avaient toujours pas reçu de réponse à leur initiative historique de la part du gouvernement gabonais.

Village ancestral de Mepindji, qui a été détruit pour créer un parc à bois. Photo prise le 2 janvier 2022 par Ivindo FM.

L’exploitation forestière continue d’avancer à la grande déception de la communauté, notamment la destruction de leurs villages ancestraux. L’entreprise est sur le point de démarrer l’exploitation de la partie de la forêt qui n’a jamais été exploitée et qui abrite les sites sacrés du village. Tout cela a lieu sans qu’aucune étude d’impact environnementale n’ait été réalisée, ce qui est contraire à la loi gabonaise, comme le souligne une note de l’administration datant de juin 2021.

LIRE PLUS : « Un village gabonais se bat pour sauver une forêt intacte » – Mongabay, 8 septembre 2021

Le 21 décembre 2021, le Consortium APAC a envoyé une lettre restée sans réponse jusque-là, au ministre de l’Eau, des Forêts, des Océans, de l’Environnement, du Changement climatique et de l’Aménagement du territoire, en exprimant sa préoccupation face à la situation actuelle ainsi que son soutien et sa solidarité avec la communauté de Massaha. (Lire la lettre en pdf ici.)

APPEL URGENT

Ayant terminé l’inventaire du bois dans la forêt sacrée non exploitée au sud de la rivière Liboumba, la prochaine étape immédiate pour TBNI est de construire des routes dans la zone. Compte tenu des difficultés logistiques liées à la construction d’un pont franchissant la rivière, ils prévoient d’accéder à la zone en ouvrant un réseau routier actuellement envahi par la végétation, qui commence à environ 20 kilomètres au sud-ouest et traverse la concession d’une autre société d’exploitation forestière, KHLL Forestry SA. Si personne n’intervient, la construction de nouvelles routes sera rapidement suivie de l’abattage des arbres et de la destruction de la forêt sacrée et du patrimoine bioculturel qui restent à Massaha.

Reportage sur la situation actuelle à Massaha par Ivindo FM, diffusé sur la chaîne de télévision nationale gabonaise Journal Télévisé des Provinces le 7 janvier 2022. Suivre la vidéo de 05:35 – 07:49.

Il s’agit d’un moment critique, un véritable carrefour. Le gouvernement peut encore décider de faire cesser l’exploitation forestière sur les terres coutumières de Massaha et répondre positivement à la demande formelle de la communauté de reconnaître et de protéger sa forêt sacrée. Le Consortium APAC appelle le gouvernement gabonais à saisir cette opportunité historique, en cohérence avec son leadership environnemental mondial et avec les normes et meilleures pratiques internationales pour la conservation de la nature et le développement durable. Nous appelons également toutes les organisations et les personnes qui le souhaitent à se joindre à nous dans cet appel urgent, en se montrant solidaire de la communauté et de leur demande de reconnaissance et de protection de leur forêt sacrée.

Si vous souhaitez exprimer votre solidarité et votre soutien à la communauté, veuillez contacter : defending [at] iccaconsortium [dot] org.

Pour les demandes de médias, veuillez contactez : Benjamin Evine-Binet à ivindofm [at] gmail [dot] com.