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Kawawana à l’heure du bilan

First published on 06/05/2014, and last updated on 06/05/2022

Par Mamadou Goudiaby, Ingénieur des Eaux, Forêts et Chasses (Membre d’Honneur)

Le samedi 15 mars 2014 s’est tenue à son siège de Mangagoulack l’assemblée générale (AG) de l’association des pêcheurs de la communauté rurale de Mangagoulack (APCRM) connue sous le nom de Kawawana. Ce fut une occasion comme à l’accoutumée de rassembler tous les résidents et non-résidents de la communauté rurale de Mangagoulack, acteurs comme non-acteurs de la pêche, pour faire un bilan de la gestion écoulée de l’aire de patrimoine autochtone communautaire (APAC) de 2009 à 2013. Aucune contrainte ne s’imposait quant à l’heure de démarrage et l’espace pour contenir le monde. Tout s’est passé au gré de la communauté selon l’emploi du temps paysan, à une heure qui arrange les hommes et les femmes résidants qui ont tous convergé vers le lieu idéalement choisi à l’ombre épaisse des manguiers. Cette flexibilité de l’heure et du choix de la place devant abriter la rencontre n’est pas gratuite dans cette partie de la Casamance communément appelée le “Bluf”. Pour les responsables de Kawawana, cela relève simplement d’une approche participative qui consiste à prendre en compte le calendrier et l’emploi du temps paysan, afin d’enregistrer la participation massive de toutes les couches sociales, notamment celle des femmes habituellement tributaires des tâches domestiques à accomplir aux premières heures de la matinée avant de quitter chez soi.

Au préalable, deux jours de rencontres tenues les 13 et 14 mars 2014, entre pêcheurs membres de Kawawana, ont permis de faire le bilan de 5 années d’activités dans l’APAC et d’en tirer les recommandations majeures à soumettre comme ordre du jour à l’assemblée générale prévue le samedi 15 mars 2014.

Quelles leçons tirer des 5 années d’activité de Kawawana ?

En présence des représentants des principaux souteneurs et bailleurs de fonds, notamment la FIBA (représentée par Charlotte Karibuhoye et Julien Semelin), monsieur Philippes Tous consultant en suivi biologique, monsieur Mamadou Goudiaby, ingénieur forestier natif de la communauté et membre honoraire du Consortium APAC et du représentant local du service des pêches maritimes, les membres de Kawawana ont tiré au clair les résultats de 5 années (2009 à 2013) de gestion effective de leur APAC.

Le diagnostic effectué à l’issue de la surveillance et du suivi des pêches de contrôle1 portant sur les 15 espèces indicatrices, a permis aux pêcheurs de faire une analyse critique des données avec l’appui du consultant en suivi biologique spécialiste de la pêche (Philippes Tous) et d’en tirer 5 leçons de la gestion de l’APAC de 2009 à 2013.

1- Les rendements sont de plus en plus importants de 2009 à 2013 et respectivement pour les filets de mailles de 25 mm, 60 mm et 70 mm ;

2- La longueur moyenne des poissons saisis est plus importante pour les filets tests de 60 mm suivis de ceux de 70 et 25 mm ;

3- Au total, 25 espèces de poissons ont été observées lors des pêches de contrôle parmi lesquelles figurent toutes les 15 espèces indicatrices à l’exception des Carangidés ;

4- Les tests de salinité effectués en 2010 ont permis d’enregistrer un taux de sursalure, de l’ordre de 56 ‰ finalement stabilisé autour de 45 et 31 ‰ entre 2011 et 2013 sous la faveur des quantités importantes de pluies enregistrées durant cette période ;

5- Dans l’ensemble, les poissons ont augmenté avec une nette présence remarquée des poissons prédateurs (gros poissons) entre 2010 et 2011 puis une stabilisation entre 2012 et 2013.

Cependant, le nombre croissant de pêcheurs remarqués dans l’APAC [en zone de pêche autorisée] risque d’entamer la ressource si rien n’est fait pour inverser la tendance actuelle.

Les deux recommandations à l’ordre du jour

En cette matinée du samedi 15 mars 2014, l’assemblée générale de l’APCRM s’est tenue à son siège à Mangagoulack sur l’ordre du jour émanant des deux recommandations majeures retenues par les pêcheurs et leur comité de suivi, à l’issue de leurs deux jours de réflexion les 13 et 14 mars 2014. Elles concernent :

1) La mise en place d’un système de suivi des captures niveau de tous les villages de la communauté rurale ;

2) La mise en place d’un système de limitation du nombre de pêcheurs non-résidents à l’accès niveau de l’APAC.

C’était une occasion de retourner la parole aux populations autochtones pour se prononcer sur la tenure de leur aire de patrimoine communautaire après 5 ans de gestion [2009 à 2013], dont 4 sous un statut juridique [2010 à 2013], mais surtout de donner leurs avis par rapport aux deux points à l’ordre du jour. En outre, la présence, des partenaires de l’APCRM, dont le représentant de l’administration territoriale [Sous-préfet, Chef de centre d’appui au développement local, CADL], des membres du bureau du conseil rural, des chefs de service régional et local de la pêche maritime et des principaux facilitateurs et bailleurs de Kawawana [FIBA, Coopération française, consultant].

Les conclusions de l’assemblée générale

1- Le système de suivi des captures dans quelques débarcadères est adopté à l’unanimité et les volontaires sont connus pour chacun des villages concernés ;

2- Le système de limitation de l’accès des pêcheurs est approuvé par l’assemblée et les mécanismes de mise en oeuvre seront étudiés de commun accord avec les responsables du service régional des pêches qui ont annoncé à cet effet la programmation prochaine d’une rencontre régionale avec tous les acteurs de la pêche.