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Les données qui justifient un cadre mondial de la biodiversité basé sur les droits humains

Le rapport 2021 sur les territoires de vie montre le rôle incontestable des Peuples Autochtones et des communautés locales dans la préservation d'une planète saine pour toutes et tous, et présente les actions urgentes nécessaires pour les soutenir.

Les données

Le rapport 2021 sur les territoires de vie est une analyse allant de l’échelle locale à l’échelle mondiale, des aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire (parfois abrégés en « APAC » ou « territoires de vie »).

Cette approche multi-échelle permet d’entrelacer diverses perspectives, points de vue et découvertes récentes sur le phénomène à la fois mondial et ancré dans les réalités locales que représentent les territoires de vie, tout en laissant place à la nuance et à la complexité. Dans l’ensemble, le rapport vient s’ajouter à une littérature de plus en plus abondante sur le rôle incontestable des Peuples Autochtones et des communautés locales pour garantir une planète saine pour toutes et tous, et sur les actions urgentes à mener pour les soutenir. Explorez ci-dessous les différentes composantes du rapport et les principaux résultats, conclusions et recommandations.

Territoires de vie : Rapport 2021

Les principales conclusions du rapport 2021 sur les territoires de vie

Sur la base de 17 études de cas de territoires de vie, six analyses nationales et régionales et une analyse spatiale mondiale, co-publiée avec le PNUE-WCMC, les principales conclusions générales du rapport 2021 sont les suivantes :

Les Peuples Autochtones et les communautés locales jouent un rôle prépondérant dans la gouvernance, la conservation et l’usage durable de la biodiversité et de la nature dans le monde. Ils protègent et conservent activement des espèces, des habitats et des écosystèmes d’importance mondiale et d’une diversité stupéfiante, qui permettent le maintien d’une eau et d’un air purs, d’une alimentation saine et de moyens de subsistance pour les êtres humains, bien au-delà de leurs frontières.

Les contributions importantes des Peuples Autochtones et des communautés locales à la
santé de la planète sont ancrées dans leurs cultures et leurs terres et territoires collectifs,
et sont essentiellement les relations profondes entre leurs identités, leurs systèmes de gouvernance et les autres espèces et êtres spirituels avec lesquels ils coexistent. Ainsi, ils contribuent également de manière significative au patrimoine culturel, linguistique, matériel et immatériel mondial.

L’analyse spatiale mondiale montre que les Peuples Autochtones et les communautés locales sont de facto les gardiens de nombreuses aires protégées et conservées, qu’elles soient étatiques ou privées, et qu’ils conservent également une proportion importante de terres et d’environnements naturels en dehors de ces aires. Cependant, le secteur dominant de la conservation a souvent été contesté par les Peuples Autochtones et les communautés locales par le passé, car il n’a pas toujours reconnu et respecté leurs droits, leurs systèmes de gouvernance et leurs modes de vie. Cela constitue à la fois un défi et une opportunité pour l’orientation future des efforts de conservation, de l’échelle locale à l’échelle mondiale.

Les Peuples Autochtones et les communautés locales sont en première ligne de la résistance face aux principales activités industrielles qui entraînent la perte de la biodiversité mondiale et les dégradations climatiques. À ce titre, ils sont souvent victimes de représailles et de violence. En plus d’autres défis, ces multiples facteurs de stress peuvent avoir des effets cumulatifs et aggravés sur les Peuples Autochtones et les communautés locales, ce qui constitue une menace à plus long terme pour leur vie, leur culture et leur résilience. Cependant, ils continuent à résister et à répondre à ces menaces de diverses manières.

Même face à de graves menaces, les Peuples Autochtones et les communautés locales font preuve d’une résilience et d’une détermination extraordinaires pour préserver leur dignité et l’intégrité de leurs aires et territoires. Ils s’adaptent à des contextes qui évoluent rapidement et utilisent diverses stratégies pour garantir leurs droits et protéger leurs terres et territoires de vie collectifs. Malgré certains reculs, ils ont réalisé des avancées majeures et continuent de persévérer dans leurs revendications pour l’autodétermination, la gouvernance autonome, la paix et la durabilité.

Principales conclusions de l’analyse spatiale mondiale, publiée en collaboration avec le PNUE-WCMC

L’analyse spatiale mondiale, publiée par le PNUE-WCMC et le Consortium APAC, est l’analyse la plus complète de la superficie estimée des territoires et aires conservés par les Peuples Autochtones et les communautés locales (désignés dans cette analyse comme « APAC potentielles »). Voici les principales conclusions de cette analyse mondiale.

Les Peuples Autochtones et les communautés locales jouent un rôle prépondérant dans la gouvernance, la conservation et l’usage durable de la biodiversité et de la nature dans le monde.

On estime que les APAC potentielles couvrent plus d’un cinquième (21 %) des terres de la planète (ce qui correspond approximativement à la taille de l’Afrique) et plus d’un cinquième (22 %) de la superficie des Zones clés pour la biodiversité (ZCB). En tant que gardiens d’une si grande partie du monde, les Peuples Autochtones et les communautés locales doivent être reconnus et respectés en tant que détenteurs de droits, protagonistes et leaders dans les processus décisionnels pertinents. Leurs droits à l’autodétermination ainsi qu’à leurs terres et territoires collectifs doivent également être reconnus et défendus afin qu’ils puissent se protéger des menaces.

Au moins un quart (26 %) de la superficie totale des aires terrestres protégées et conservées, qu’elles soient sous gouvernance publique ou privée, chevauche des APAC potentielles.

Les Peuples Autochtones et les communautés locales sont donc vraisemblablement les gardiens de facto de nombreuses aires protégées et conservées existantes, sans pour autant être officiellement reconnus comme tels. Dans de nombreux cas, c’est précisément grâce aux actions et aux contributions des Peuples Autochtones et des communautés locales à l’égard de la biodiversité que ces sites ont été jugés « appropriés » pour une protection officielle. Ce chevauchement est également une source de préoccupations majeures étant donné les répercussions à la fois historiques et actuelles des aires protégées et conservées sur les droits humains des Peuples Autochtones et des communautés locales. Ces répercussions comprennent les potentiels déplacements forcés, la discréditation des systèmes coutumiers et locaux de gouvernance et de gestion ainsi que la criminalisation des pratiques culturelles.

Près d’un tiers (31 %) des terres de la planète pourraient déjà faire partie d’aires dédiées à la conservation et/ou au maintien des terres dans de bonnes conditions écologiques.

Si les APAC potentielles étaient reconnues pour leur contribution à la conservation, parallèlement au réseau existant d’aires protégées et conservées par l’état ou le secteur privé (14 % des terres du monde), la couverture totale passerait à 31 %. Cette conclusion souligne l’importance de reconnaître et de soutenir de façon appropriée les droits des Peuples Autochtones et des communautés locales ainsi que leurs initiatives de conservation existantes pour atteindre tout objectif de conservation par zone dans le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020, que l’objectif soit de 30 % ou autre. Les Peuples Autochtones et les communautés locales ainsi que des organisations de la société civile ont exprimé de sérieuses inquiétudes quant à l’Objectif 2 du projet actuel. Cette analyse met en évidence l’opportunité et la nécessité d’intégrer explicitement à cet objectif les droits humains, la diversité de la gouvernance et l’équité, et de s’assurer que sa mise en œuvre respecte les Peuples Autochtones et les communautés locales en tant que détenteurs de droits.

Les APAC potentielles couvrent une surface plus grande que le réseau d’aires protégées et conservées par l’état et le secteur privé.

En dehors de ce réseau (qui couvre actuellement 14 % de la surface terrestre), les APAC potentielles couvrent 17 % de la surface terrestre. Dans de nombreux cas, les Peuples Autochtones et les communautés locales gouvernent et gèrent leurs territoires et leurs terres d’une manière qui correspond à la définition d’une aire protégée ou conservée. Cependant, en tant que gardiennes, il leur appartient de décider si et de quelle manière elles choisissent de s’engager dans le système « officiel » des aires protégées et conservées, ainsi que dans les désignations et les formes d’identification et de signalement qui y sont liées.

Les APAC potentielles abritent au moins un tiers (33 %) des paysages forestiers intacts du monde.

 

Elles couvrent également au moins un tiers (32 %) des zones considérées comme essentielles pour inverser la perte de biodiversité, pour prévenir les émissions de CO2 attribuables à la conversion des terres et pour renforcer les puits de carbone naturels. Ainsi, en plus d’être les détenteurs de droits sur ces territoires et ces zones, les Peuples Autochtones et les communautés locales sont également des leaders, des protagonistes et des agents de changement dans les efforts autant locaux que mondiaux visant à protéger les paysages forestiers, à stopper la perte de biodiversité, à réduire les incendies de forêt et à atténuer les changements climatiques.

Certaines aires gouvernées par des Peuples Autochtones et des communautés locales sont reconnues par l’UNESCO comme des sites naturels de valeur universelle exceptionnelle.

Près d’un tiers (32 %) de l’étendue des sites terrestres naturels et mixtes du Patrimoine mondial de l’UNESCO chevauche dans une certaine mesure des APAC potentielles. Ce rôle doit être reconnu et soutenu, et ce, à travers des efforts de conservation visant à renforcer et à entretenir, d’une part, les liens profonds entre la diversité culturelle et biologique au sein des terres et des territoires des Peuples Autochtones et des communautés locales et, d’autre part, les pratiques sociales, culturelles et spirituelles qui nourrissent ces liens.

Au moins 16 % de l’étendue des APAC potentielles est fortement exposé aux pressions liées au développement futur des industries des secteurs extractif et primaire.

Bien que ces fortes pressions industrielles ne soient pas inévitables, il est important de se préparer à cette éventualité, notamment en soutenant de manière proactive et urgente les Peuples Autochtones et les communautés locales afin de garantir leurs droits à leurs territoires et terres collectives et à leurs systèmes de gouvernance. Le pourcentage ci-dessus comprend les zones soumises à une pression élevée, mais les 84 % restants ne doivent pas être considérés comme exempts de pression due au développement. Étant donné les liens significatifs entre les APAC potentielles et les zones d’importance cruciale pour la biodiversité et pour un climat sain, le soutien aux Peuples Autochtones et aux communautés locales pour garantir leurs droits et pour protéger et défendre leurs territoires contre les pressions industrielles devrait également être une priorité pour tous les acteurs du secteur de la conservation.

Conclusions et
recommandations

Le moment est venu de reconnaître les Peuples Autochtones et les communautés locales comme les véritables agents de transformation structurelle. Leur rôle dans le maintien de la diversité de la vie sur terre est si crucial qu’il serait impossible de faire face aux crises de la biodiversité et du climat sans eux. Soutenir les Peuples Autochtones et les communautés locales afin qu’ils sécurisent leurs terres et territoires de vie collectifs et qu’ils obtiennent un minimum de droits est sans doute un « chaînon manquant » dans les engagements mondiaux et leur mise en œuvre au niveau national. Les droits à l’autodétermination, aux systèmes de gouvernance, à la culture et aux modes de vie, ainsi que les droits d’accès à l’information, à la justice et à la participation aux processus décisionnels pertinents sont particulièrement importants à cet égard.

Concrètement, la poursuite de cet agenda requiert une augmentation massive du soutien social, politique, juridique, institutionnel et financier apporté aux Peuples Autochtones et aux communautés locales, principalement de la part des gouvernements des états, mais aussi des institutions financières publiques et privées. Il est temps que les mouvements sociaux et les organisations de la société civile qui travaillent sur des questions liées aux droits humains, à la conservation, à la justice climatique et sur des questions foncières s’unissent dans un effort collectif. Les avocats et les juristes, les chercheurs, les journalistes, les communicateurs et les autres personnes ayant des compétences spécialisées ont également un rôle essentiel à jouer.

Les recommandations générales du rapport 2021 sur les territoires de vie sont les suivantes :

1

Reconnaître et respecter le rôle central des Peuples Autochtones et des communautés locales dans le maintien d’une planète saine, ainsi que les relations culturelles et spirituelles profondes et les systèmes de gouvernance qui leur permettent d’y parvenir.

2

Soutenir les Peuples Autochtones et les communautés locales pour sécuriser leurs terres et territoires collectifs, renforcer leurs systèmes de gouvernance autodéterminés et préserver leurs cultures et leurs modes de vie selon leurs propres critères. Cela requiert des réformes significatives des systèmes politiques et juridiques nationaux ainsi que des systèmes financiers et économiques internationaux.

3

Intégrer et faire respecter les droits humains (y compris les droits des Peuples Autochtones et, le cas échéant, d’autres droits spécifiques à certains groupes) dans toutes les politiques, lois, institutions, programmes et processus de prise de décision qui affectent les Peuples Autochtones et les communautés locales, tant au niveau international que national.

4

Endiguer les facteurs qui entraînent la perte de la biodiversité et la dégradation du climat, et mettre fin aux menaces et à la violence à l’encontre des peuples et des communautés qui défendent notre planète.

5

Promouvoir des financements basés sur les droits humains comme leviers essentiels pour une mise en œuvre équitable et efficace des engagements mondiaux, notamment en matière de biodiversité, de climat et de développement durable.

Page web spéciale

Le Consortium APAC
à la COP 15 de la CDB
des Nations Unies

En route vers le futur cadre mondial de la biodiversité