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Mise à jour de l’alerte au Gabon : la communauté Massaha dénonce les tentatives du gouvernement de contourner l’engagement du ministre à sécuriser leur forêt sacrée

Le cadre mondial pour la biodiversité tant attendu de Kunming-Montréal – qui vient d'être adopté en décembre 2022 – reconnaît explicitement les territoires et les droits des peuples autochtones et des communautés locales. Ce nouvel instrument international vient renforcer les engagements antérieurs du gouvernement gabonais en faveur de la protection de la forêt sacrée de la communauté de Massaha. Toutefois, le gouvernement n'a pas encore donné suite à ces promesses, laissant la communauté à la recherche de réponses au milieu de messages contradictoires. Le Consortium ICCA réitère sa solidarité avec la communauté de Massaha et appelle le gouvernement gabonais à respecter ses engagements louables

First published on 12/26/2022, and last updated on 09/21/2023

Par Consortium APAC


Depuis août 2020, la communauté Kota de Massaha, dans le nord-est du Gabon, travaille sans relâche à l’initiative historique visant à sauver leur forêt sacrée et intacte de l’exploitation forestière industrielle et à faire de cette zone ce qui deviendrait la toute première aire conservée communautaire du Gabon. Le Consortium APAC a déjà fourni des informations de base et une lettre de soutien en décembre 2021, suivie d’une alerte en janvier 2022 et d’une mise à jour en février 2022. Après une analyse montrant les aspects illégaux de l’exploitation forestière, y compris la destruction de villages ancestraux et d’un site sacré, le Ministre gabonais des Eaux, des Forêts, de la Mer, de l’Environnement, Chargé du Plan Climat et du Plan d’Affectation des Terres, Professeur Lee White, a rendu visite à la communauté pendant deux jours en mars 2022. Lors de cette visite, le ministre White s’est engagé à protéger la forêt de la communauté et à réfléchir à de nouvelles façons de le faire dans le cadre de la mise à jour du code forestier du Gabon. Nous avons applaudi cet engagement du ministre et les deux années d’efforts officiels de la communauté pour sauver sa forêt.

Malgré ces progrès apparents, l’exploitation forestière a commencé dans la forêt sacrée de Massaha, jusque-là non exploitée, avant juillet 2022. Après que la communauté se soit exprimée lors de la réunion du Partenariat pour les forêts du Bassin du Congo (PFBC) à Libreville le même mois, l’exploitation forestière a été arrêtée, en tenant compte de la carte initiale fournie par la communauté en août 2020 (voir ci-dessous : Carte de superposition de la zone à déclasser de Massaha aux AACs 2019 et 2020 de TBNI Makokou, établie par la société et l’administration).

Cependant, l’exploitation forestière s’est poursuivie plus au sud-est dans la forêt ancestrale de Massaha, bien que cette zone soit incluse dans la carte actualisée que Massaha a fournie en mai 2022 à la demande du ministre (voir ci-dessous : Carte mise à jour d’Ibola Dja Bana Ba Massaha).

Après la réunion du PFBC en juillet, les espoirs étaient grands d’aller enfin de l’avant dans la reconnaissance officielle d’une aire conservée gérée et dirigée par la communauté. Au lieu de cela, en novembre 2022, une délégation du gouvernement a surpris Massaha avec ce que la communauté a appelé dans une lettre déposée le 15 décembre 2022, une « fausse consultation publique » visant à relancer l’exploitation de la forêt sacrée – la même forêt que le gouvernement avait promis de protéger.

Dans la lettre que la communauté a soumise au ministre, elle demande ce qui suit (citation directe) :

  • “L’annulation pure et simple des résolutions de cette fausse consultation publique ;
  • La prise en compte de la carte actualisée que nous vous avons fourni le 3 mai 2022 ;
  • L’aboutissement de la demande de la communauté de Massaha telle qu’orientée  par vous lors de votre visite à Massaha ;
  • L’interdiction d’exploitation dans toute notre forêt sacrée telle que déjà identifiée.”

Le Consortium ICCA continue de marcher avec la communauté de Massaha et réitère l’appel ci-dessus au gouvernement du Gabon. L’exploitation forestière doit être définitivement arrêtée et des processus doivent être mis en place afin d’établir le cadre juridique approprié pour la reconnaissance d’une zone conservée, gouvernée et gérée par la communauté, qui empêche tout nouvel empiètement des industries nuisibles.

La mise en place de ce cadre juridique doit être en totale adéquation avec la cible 22 du cadre mondial pour la biodiversité de Kunming à Montréal qui vient d’être adopté lors de la COP15, et « Assurer la représentation et la participation pleines et entières, équitables, inclusives, effectives et sensibles au genre dans la prise de décision, ainsi que l’accès à la justice et aux informations relatives à la biodiversité par les peuples autochtones et les communautés locales, en  respectant leurs cultures et leurs droits sur les terres, les territoires, les ressources et les connaissances traditionnelles…»

Peut-être la partie la plus discutée du nouveau cadre mondial pour la biodiversité, la cible 3 (souvent connue comme « 30×30 ») exige explicitement aux parties de reconnaître et de respecter les droits des peuples autochtones et des communautés locales, y compris à leurs territoires traditionnels, en veillant à ce qu’au moins 30 % de la planète soit gérée de manière équitable et conservée et gérée efficacement.

L’attention du monde entier se porte désormais sur la mise en œuvre du cadre post-2020. Ignorer les efforts de conservation en cours de la communauté et permettre l’exploitation de son territoire intact et riche en biodiversité contreviendrait directement aux engagements nationaux et internationaux du gouvernement, y compris ce qu’il vient d’accepter il y a quelques jours à Montréal. Au contraire, reconnaître légalement et soutenir la gouvernance, la gestion et la conservation de la forêt et de la rivière ancestrales de Massaha par la communauté est une opportunité historique pour le Gabon de démontrer en temps réel son leadership environnemental et son engagement continu envers la Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples. 

Les forêts sacrées du Gabon souffriront-elles la « mort par un millier de coupes », ou le gouvernement travaillera-t-il main dans la main avec la communauté de Massaha pour obtenir l’une des premières « victoires » au monde dans le cadre du nouveau cadre mondial pour la biodiversité ? Nous exhortons le ministre White et le reste du gouvernement à rejoindre le bon côté de l’histoire, et nous sommes prêts à soutenir la communauté pour qu’elle réalise ses rêves d’avenir.

Si vous souhaitez exprimer votre solidarité et votre soutien à la communauté, veuillez contacter : defending [at] iccaconsortium [dot] org.

Contact presse

Pour les demandes de médias, veuillez contacter Benjamin Evine-Binet, journaliste gabonais, explorateur 2022 de National Geographic, et boursier du Pulitzer Center et du fonds 2022 pour la résilience contre le crime organisé transnational. Suivez-le sur Twitter (@ivindofm) et Facebook (@ivindofm).

E-mail : ivindofm [@] gmail.com


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