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A Madagascar, la Synergie des Fokonolona se Renforce pour la Reconnaissance de leur Patrimoine Communautaire

First published on 09/24/2019, and last updated on 10/08/2019

Par Jazzy Rasolojaona, chargé de programme à Natural Justice, Membre du Consortium APAC,
et Vololoniaina Rasoarimanana, membre du Conseil du Consortium APAC et conseillère stratégique de TAFO MIHAAVO.

*Les Fokonolona sont des communautés locales.

Renforcer la synergie pour une cause commune. C’est ce qui a motivé la collaboration entre le réseau TAFO MIHAAVO (un réseau national de communautés locales gérant des ressources naturelles) et MIHARI (Madagascar Locally Managed Marine Area Network). Les deux institutions aspirent à protéger le patrimoine et les zones autochtones et communautaires par la pleine reconnaissance des droits des communautés locales sur les terres communautaires et les aires marines gérées par les communautés.

L’initiative du gouvernement actuel, visant à élaborer un cadre législatif sur les aires dotées d’un statut spécifique, y compris en matière de droits fonciers communautaires, offre une occasion d’atteindre cet objectif… Un atelier national de consultation s’est tenu sur le sujet durant la semaine du 5 au 9 août à Toliary, dans la Région sud-ouest de l’île. A l’issue de l’atelier, une feuille de route définissant les mesures à prendre pour faire en sorte que le texte en cours d’élaboration tienne compte des réalités sur le terrain a été convenue avec le Ministère en charge du foncier. TAFO MIHAAVO a joué un rôle majeur dans l’élaboration de cette feuille de route et continuera à jouer un rôle clé dans sa mise en œuvre. MIHARI s’associe dorénavant au processus afin d’intégrer la question spécifique des zones et des communautés marines et côtières.

Les deux institutions ont tenu des réunions préliminaires de juillet à début septembre de cette année, avec la contribution de partenaires tels que Natural Justice, Ravintsara, SIF et d’autres organisations et personnes ressources qui appuient ce processus. Le but était de se mettre d’accord sur les actions à entreprendre dans le cadre de l’initiative gouvernementale, suivant le calendrier qui a été esquissé. Mais également de s’entendre sur les concepts et les arguments clés qui sous-tendent les droits fonciers communautaires.

En effet, plusieurs questions restent à creuser et à définir davantage, parmi lesquelles la définition des “communautés locales ” auxquelles seront accordés ces droits. La réponse à cette question encore controversée s’étendra au statut des communautés pour leur permettre d’obtenir une reconnaissance juridique. Elle fait partie des critères de définition et de délimitation des terres communautaires et des territoires de vie à Madagascar, ainsi que des relations entre eux et des droits à accorder aux communautés pour la gouvernance de ces zones, au-delà de la simple exécution d’un plan de gestion.

Il est généralement admis que la reconnaissance juridique des APAC est nécessaire à leur sécurité, car, dans l’état actuel du système juridique, le droit positif reste le principe qui prévaut pour les autorités étatiques. Ainsi, face à des intérêts plus puissants ou à des individus ayant des droits reconnus par l’État, l’auto-reconnaissance par les seuls acteurs de base ne peut pas être suffisante pour leur donner l’autorité nécessaire pour traiter avec ces autres parties.

Cette situation est l’une des principales causes des conflits entre les communautés locales et les autres acteurs de la gestion et de la gouvernance des ressources situées sur leurs terres. Il existe souvent une forte dichotomie entre le droit moderne et les règles et pratiques coutumières des communautés, et cet ensemble conflictuel de valeurs et d’intérêts n’est souvent pas perceptible ou compréhensible pour les acteurs extérieurs aux communautés. Les expériences des communautés locales qui composent les membres de TAFO MIHAAVO et MIHARI, y compris celles des 14 APAC emblématiques, seront essentielles pour éclairer les discussions. Au-delà des initiatives de projets, les acteurs impliqués dans le processus à Madagascar ont convenu de l’importance de maintenir un groupe de travail dynamique pour veiller activement à assurer diversité, qualité et vitalité de la gouvernance communautaire.

Le message clé que les deux institutions veulent faire passer est qu’il ne s’agit pas de démanteler et de refondre les systèmes de gestion communautaire existants, reconnus par le cadre juridique et mis en œuvre depuis de nombreuses années. Il s’agit plutôt d’atteindre une application effective des termes des accords existants. Par exemple, l’un des principaux systèmes (GELOSE) ne reconnaît que les structures associatives locales appelées Communautés Locales de Base comme ayant des droits sur les ressources naturelles dont la gestion leur a été transférée par l’Etat. L’adhésion à cette structure est volontaire pour les communautés locales, mais il a été noté par le réseau des communautés locales lui-même que de nombreuses communautés n’ont pas été en mesure d’utiliser ce droit. De même, dans de nombreux cas, le pouvoir de gérer seul les ressources ne permet pas aux communautés locales de participer au processus décisionnel. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une aire gérée par les communautés devient une aire protégée : dans de nombreux cas, les droits des communautés locales n’ont pas été préalablement discutés.

Un message clair résultant de cette collaboration à Madagascar est le besoin de reconnaître toutes les formes de gestion communautaire des ressources naturelles qui existent, y compris les structures, les règles et pratiques coutumières qui ont permis à certaines communautés locales de gérer durablement les ressources sur leurs terres pendant des générations. Cette reconnaissance doit tenir compte d’au moins deux aspects indissociables. D’une part, il y a la reconnaissance des APAC en tant que territoires physiques, et donc des zones bien définies auxquelles un statut légalement reconnu sera accordé (aires protégées communautaires, biens collectifs ou autre). D’autre part, il y a la dimension de la gouvernance où, entre autres choses, les communautés locales demandent à ce que leur système de gouvernance coutumier soit maintenu et reconnu.

Le processus à Madagascar sera suivi et soutenu au fur et à mesure de son déroulement.

Photos : © Jazzy Rasolojaona.