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En République Démocratique du Congo, les Représentants Religieux S’engagent à Protéger les Forêts Tropicales en Reconnaissant les Territoires de Vie

First published on 12/06/2019, and last updated on 02/28/2020

Par Diel Mochire et Joseph Itongwa Mukumo, Coordinateur Régional du Consortium APAC pour les Ecosystèmes Forestiers d’Afrique Centrale.

Du 3 au 5 décembre 2019, Kinshasa a acueilli le Forum national organisé pour le lancement de l’Initiative Interreligieuse pour les Forêts Tropicales (IRI) en République Démocratique du Congo (RDC).

Une initiative interreligieuse pour la protection des forêts tropicales

Cette initiative est une alliance multiconfessionnelle, lancée en juin 2017 au Centre Nobel de la Paix d’Oslo, en présence de représentants religieux venus de 21 pays différents, d’écologistes, de scientifiques, de représentants de peuples autochtones et d’ONG de la société civile.

L’objectif poursuivi par cette initiative est de lutter contre la destruction massive des forêts tropicales. En effet, une superficie de forêt équivalente à celle de l’Autriche disparaît chaque année.

L’initiative vise en particulier à donner un leadership religieux aux efforts menés pour la protection des forêts tropicales et leurs gardiens (les peuples autochtones et les communautés locales), tout en signalant l’urgence de ces mesures face au changement climatique.

« L’ampleur de ce combat exige un changement tectonique des valeurs à l’échelle internationale, » a déclaré Vidar Helgesen, Ministre norvégien du climat et de l’environnement. « Cela ne relève plus du domaine de la politique, du commerce ou de la science, mais de celui de la spiritualité, de la foi et des convictions morales », a-t-il ajouté.

Les forêts tropicales, des écosystèmes nécessaires à la vie

Les forêts tropicales humides jouent un rôle capital : elles abritent la moitié des espèces terrestres, fournissent des services indispensables à la vie humaine et font don de cadeaux spirituels, culturels, traditionnels et émotionnels, de beauté et de merveilles. La valeur culturelle, concrète et spirituelle de ces forêts est exceptionnelle, à la fois pour leurs habitants traditionnels et pour la communauté mondiale.

© ANAPAC

Elles stockent des milliards de tonnes de carbone, et fournissent nourriture, eau et moyens de subsistance à plus de 1,6 milliards de personnes à travers le monde, ce qui les rend fondamentales pour la réussite de l’accord de Paris sur le Climat et pour les Objectifs de Développement Durable. Les forêts tropicales sont décimées dans le monde entier, ébranlant considérablement les efforts mondiaux pour lutter contre le changement climatique, éradiquer de la pauvreté, garantir la sécurité alimentaire, la paix et les droits  humains.

Le Bassin du Congo abrite la deuxième forêt tropicale la plus étendue au monde, avec 250 millions d’hectares de forêt. Les forêts de la RDC s’étendent sur 155 millions d’hectares, soit 62% des forêts du Bassin du Congo. Elles abritent des millions d’espèces animales et végétales, dont certaines sont endémiques.

Ces forêts fournissent un habitat, des moyens de subsistance, des médicaments, de l’eau, un milieu de croyance, de loisir et spiritualités à des millions de personnes en RDC. Elles abritent en outre de vastes tourbières, écosystème capital pour la capture du carbone, ainsi que pour la préservation de la biodiversité. Ces forêts sont également de puissantes pompes biologiques, produisant des pluies et impactant la vie de celles et ceux qui y vivent, et bien au-delà. Les forêts et tourbières de la RDC sont donc un élément crucial de régulation du climat, ce qui fait de leur préservation et leur gestion rationnelle une question existentielle tant au niveau local que mondial.

Le lancement de l’IRI en République Démocratique du Congo

© ANAPAC

En 2018 et 2019, l’initiative a organisé des consultations à Kinshasa dans le but de lancer l’initiative en RDC. Ces consultations ont notamment impliqué les autorités religieuses locales, les représentants de peuples autochtones, ainsi que les organisations de la société civile. Ces différents acteurs ont confirmé leur engagement en faveur de l’initiative. A l’issue des consultations, des recommandations pertinentes ont été formulées et l’Initiative Interreligieuse pour les Forêts Tropicales a été officiellement lancée en RDC à travers l’atelier organisé à Kinshasa du 3 au 5 décembre 2019.

Vingt représentants et leaders des peuples autochtones venus de provinces du Nord Kivu, Sud Kivu, Sud Ubangi, Equateur, Maindombe, Tshopo, Tanganyika et ceux de la ville de Kinshasa ont pris part à ces assises.

L’évènement a permis de promouvoir les APAC en RDC. Nous avons en effet pu partager les différentes expériences liées aux APAC en RDC, et démontrer ainsi que des milliers d’hectares de forêts et de ressources naturelles sont protégées par les peuples autochtones et communautés locales.

Nous avons en particulier partagé les expériences des APAC de Kisimbosa en territoire de Walikale, du ravin mystique de Mweka, d’Apakola Koko et de Luwe Itota à Mwenga.

Diel Mochire Mwenge, de l’Alliance Nationale pour le Soutien et la Promotion des Aires et Territoires Ancestraux des Peuples Indigènes et Communautés Locales, soulignant l’importance essentielle du leadership des peuples indigènes et communautés locales pour la protection des forêts en RDC © IRI

Les participants ont principalement échangé sur ces deux préoccupations :

  • La non diabolisation des pratiques et valeurs des peuples autochtones favorables à la conservation de la nature ;
  • La solidarité des religieux envers la lutte des autochtones pour la défense et la reconnaissance légale des leurs territoires de vie (Aire du Patrimoine Autochtone et communautaire – APAC) et territoires forestiers.

Sur le premier point, les autochtones pygmées ont rappelé la nécessité de respecter les pratiques et valeurs qui guident leurs comportements vis-à-vis de la conservation de la nature et de ses écosystèmes forestiers, puisque leur bonne santé actuelle est le résultat de ces pratiques et valeurs.

Les autochtones ont par ailleurs démontré que le qualificatif de « gardiens » des forêts est réducteur car il ne visibilise pas l’aspect principal de leurs relations aux forêts : le soin. En cela, ils sont bien mieux décrits comme « protecteurs » des forêts.

Les représentants religieux affirment leur soutien aux peuples autochtones

En ce qui concerne leur solidarité envers la lutte pour les droits des peuples autochtones, les religieux ont été unanimes en reconnaissant la nécessité de préserver le lien étroit et spécifique entre les savoirs et pratiques traditionnels des peuples autochtones et la protection des forêts. Ils ont affirmé que « la sécurisation des droits des autochtones sur leurs terres et territoires est une des meilleures garanties pour assurer la protection des forêts ». Ils ont également manifesté leur soutien aux efforts visant l’adoption de la proposition de lois sur les droits des peuples autochtones à l’assemblée nationale.

Présentation des différents groupes de travail © IRI

Les représentants autochtones ont quant à eux reconnu le rôle et la capacité d’influence morale qu’ont les religieux dans la transformation de la société et le changement du système politique en RDC. Par conséquent, ils considèrent l’initiative interreligieuse comme l’une des meilleures opportunités pour une alliance stratégique en vue de sauver les forêts et renforcer les initiatives pour les droits des peuples autochtones.

A travers l’IRI, les responsables religieux manifestent leur solidarité vis-à-vis des efforts menés pour la reconnaissance et la sécurisation des APAC, et expriment leur soutien à ce mode de conservation, conformément aux objectifs d’Aïchi et à la classification UICN des aires protégées.

Voici la déclaration de Kinshasa, signée à l’issue de l’évènement.

© IRI

Photo principale: Un arbre cérémonial fût planté dans le jardin du CENCO pour marquer l’occasion du lancement de l’initiative IRI en RDC, et comme symbole de l’engagement des différentes parties prenantes sur le long terme. De gauche à droite: M. Utembi, Président du CENCO et le révérend Prof. Bokundoa-bo-likabe, Président National d’ECC © IRI.