First published on 06/03/2019, and last updated on 07/04/2019
Par Alexis Kaboré, coordinateur régional du Consortium APAC pour la région du Sahel
Du 31 mai au 1er juin 2019 à Ouagadougou, l’Association Nationale des APAC du Burkina Faso (ASAPAC-BF) a bénéficié d’une formation sur la gouvernance associative. La session a regroupé deux représentants par communauté villageoise membre, soit dix participants et deux personnes-ressources de l’Association NATUDEV à savoir Alexis Kaboré (président de NATUDEV et coordinateur régional du Consortium APAC pour le Sahel) et Marcel Koadima, assistant technique de NATUDEV. Les représentants sont venus de plusieurs régions du pays au nom des communautés gardiennes de quatre types d’APAC (sur les cinq que compte le pays) : aires de pâture (région de l’Est), zones villageoises d’intérêt cynégétique (zovic de l’Est et du Centre-Sud), mares pastorales (zone Sahel) et bois sacrés (Centre-Ouest). L’activité s’inscrit dans le contexte d’exécution du plan d’action 2018-2019 de l’ASAPAC-BF avec le soutien du PMF/FEM, du Consortium mondial APAC et de NATUDEV.
Le but de la formation était de contribuer à l’autonomisation de l’ASAPAC-BF dans sa gouvernance interne. Ce fut fait au travers d’un rappel de ses textes statutaires, un partage d’expérience avec une organisation similaire et un échange sur les conditions de réussite de trois activités que l’Association se prépare à réaliser dans le deuxième semestre de l’année. Ces activités sont la tenue d’une assemblée générale de chaque village pour l’amélioration de la gouvernance communautaire de son APAC, l’organisation d’un atelier national sur les APAC et l’accueil de nouveaux membres à l’ASAPAC-BF. Avant le développement de ces points, chaque binôme de représentants de communautés a présenté la situation de son APAC.
Le bilan dressé est largement positif : les APAC sont une fierté des communautés. Les représentants des communautés l’expriment avec une certaine émotion : « la dernière fois, nous étions en déplacement dans un village un peu loin du nôtre. Lorsque nous nous sommes présentés comme venant du village de Kalwaka, les autres nous ont dit : “c’est vous donc le village qui s’est levé comme un seul homme pour défendre ses sites sacrés. On entend parler de vous”. Il n’y a rien de tel ! Deux autres villages nous ont contacté par la suite pour nous féliciter et nous demander comment ils peuvent faire comme nous. Nous avons transmis une copie du récépissé de l’association que nous avons créée dans notre village pour la défense de nos bois sacrés à la mairie, à la préfecture et à la gendarmerie. Toutes les autorités au niveau local sont au courant de ce que nous faisons et elles nous ont assuré de leur soutien en cas de besoin.» Voici les propos des représentants du village de Kalwaka.
La délégation du village de Sadpenga n’est pas moins fière de sa Zovic : « face à l’invasion de notre région par les terroristes, les Zovic font preuve d’une résilience extraordinaire. Les réserves nationales de faune sont investies par les terroristes et, de ce fait, par les braconniers et le bétail. Les réserves sont en train d’être dégradées gravement. Par contre, nos Zovic situées non loin des réserves sont intactes. Les agents forestiers qui gardent les réserves ont tous fuit, mais nous on est là. »
Des témoignages similaires sont entendus concernant toutes les APAC. Au cours de ce premier semestre de l’année, tous les villages membres de l’ASAPAC-BF ont réalisé ou entamé la réalisation de panneaux signalétiques ou de pistes périmétrales indiquant leur APAC et sensibilisant pour leur conservation. Au-delà des APAC se développent ainsi des actions collectives qui confortent la cohésion sociale au sein des communautés tout en maintenant la biodiversité.
La session de formation a permis de faire un rappel du contenu des statuts et du règlement intérieur pour une familiarisation accrue des membres de l’ASAPAC-BF avec les textes fondamentaux de leur association. Notons que les textes sont écrits en français alors que les représentants des communautés sont analphabètes. Des rappels réguliers sont nécessaires. Outre les textes, le rappel a concerné les contours de la notion d’APAC, le PRA (Guide du Processus d’Auto-Renforcement des APAC), le Consortium mondial APAC et les possibilités pour les villages d’inscrire leur APAC dans le registre mondial des APAC et/ou des aires protégées. Le rappel a, enfin, porté sur les conditions d’acceptation des demandes d’adhésions telles que définies dans les textes de l’Association. Trois communautés frappent à la porte de l’ASAPAC-BF ! Les critères ont été résumés dans un tableau avec des précisions inspirées du PRA (objectifs de l’APAC, gouvernance, événements marquants, état de conservation, tendances, etc.)
La deuxième grande partie de la formation a été consacrée au partage d’expérience sur la gouvernance autonome, par ses membres paysans, d’une autre organisation faîtière d’envergure nationale : La Confédération Paysanne du Faso (CPF). Le parcours édifiant de la CPF a été présenté avec vivacité et commenté suite aux nombreuses questions des participants. La CPF est structurée du niveau villageois au niveau national. Son secrétaire général adjoint qui a fait l’exposé attribue le dynamisme croissant de leur organisation (fondée il y a pratiquement 20 ans) au respect rigoureux des outils de gouvernance (textes statutaires, du manuel administratif et financier), des outils de gestion (plan stratégique et plan organisationnel, registre des membres et des cotisations) et des outils de contrôle (bilan et audit). De cinq organisations membres au départ, la CPF compte 19 membres en 2019. La bonne gouvernance que cela implique requiert la formation régulière des membres, ou au moins des leaders, de l’organisation comme une condition sine qua non.
La troisième thématique abordée lors de la formation a porté sur les stratégies de réussite des assemblées villageoises que les représentants des villages dans l’ASAPAC-BF se sont engagés à tenir chaque année pour la concertation interne de la communauté autour de son APAC. Une bonne préparation recommande que les responsables du village ou des villages concernés puissent répondre ensemble aux questions du « pourquoi » (justification du rassemblement), du « quoi » (contenu du message), du « comment » (répartition des rôles et des moyens), du « où » (accessibilité à tous) et du « quand » (période et périodicité). Des tableaux qui peuvent être renseignés avec les réponses ont été présentés. A l’issue des assemblées villageoises dans les cinq villages membres de l’ASAPAC-BF, un atelier national des APAC du Burkina Faso sera tenu avant la fin de l’année 2019.
La formation a éclairé et outillé les représentants des communautés conservatrices d’APAC membres de l’ASAPAC-BF sur les précautions à prendre dans la perspective d’accroissement dans laquelle elle va entrer cette année, avec l’accueil de nouvelles communautés membres. Les participants ont retenu, par ailleurs, que le travail à la base, et au sein des communautés doit être permanent car il est le socle dont dépend le développement de la faîtière nationale qu’est l’ASAPAC-BF.