Deux ans après sa création, l’ANAPAC SENEGAL a, ainsi, réuni les acteurs des APAC du Sénégal et de certains pays de la sous-région ouest-africaine avec pour objectif d’échanger sur le chemin parcouru et jeter les bases de nouvelles orientations
First published on 11/18/2021, and last updated on 09/22/2023
Par Salatou Sambou, Coordinateur régional pour l’Afrique de l’Ouest
La première APAC déclarée au Sénégal, Kawawana, est le territoire de vie d’une communauté de 12 000 personnes, qui vivent sur les bords de la ria Casamance. Depuis sa reconnaissance légale en 2010, ce territoire a servi d’exemple à beaucoup d’autres communautés du pays qui lui ont emboîté le pas. Aujourd’hui, 10 autres APAC fluviales ou marines-côtières et 16 APAC terrestres recherchent activement la reconnaissance par l’État sénégalais de leurs capacités de gouverner et gérer les ressources naturelles qui les entourent.
La gouvernance communautaire des espaces naturels a fait les preuve de son efficience dans le monde entier, avec des résultats remarquables pour la biodiversité, la vie socio-économique des communautés et leur résilience aux changements climatiques. Elle ne demande qu’à être diffusée et popularisée, y compris à l’intérieur du pays.
C’est ainsi qu’au Sénégal, un réseau est né en novembre 2019, dénommé ANAPAC Sénégal pour Association Nationale des APAC du Sénégal ; il s’agit maintenant de le faire vivre en tant qu’outil de coordination, d’appui et de défense des droits des communautés à l’auto-détermination. Le modèle vise à harmoniser et améliorer les modes de gouvernance et de gestion des ressources naturelles au Sénégal et, ce faisant, apporter une contribution significative à l’élaboration des politiques publiques en matière d’environnement et de ressources naturelles.
C’est dans ce contexte que s’inscrit l’organisation de la première Assemblée générale de l’ANAPAC SENEGAL à Ziguinchor, du 28 juin au 1er juillet 2021, sur une durée de trois jours et demi.
Faire un bilan et ouvrir de nouvelles perspectives
Deux ans après sa création, l’ANAPAC a ainsi réuni les acteurs des APAC du Sénégal et de certains pays de la sous-région ouest-africaine avec l’objectif d’échanger sur le chemin parcouru et de jeter les bases de nouvelles orientations.
S’inspirer de l’APAC emblématique Kawawana !
Le choix s’est porté sur Ziguinchor pour accueillir cette rencontre d’envergure nationale car c’est la capitale de la région où se situe Kawawana, APAC emblématique de renommée mondiale. Première APAC légalement reconnue en tant que telle en Afrique de l’Ouest, celle-ci a suscité beaucoup d’intérêt au point de servir d’exemple à bien d’autres communautés APAC. Kawawana est une pêcherie fluviale communautaire inspirante pour la grande qualité de sa gouvernance et l’importance de ses ressources naturelles (poissons, huîtres, mangroves…) et de ses valeurs culturelles. Elle se distingue notamment par :
- une bonne organisation des communautés et un fort ancrage de celles-ci dans leur culture ;
- le recours aux us et coutumes pour une meilleure conservation des ressources naturelles ;
- une bonne circonscription de l’espace à protéger, ainsi que l’identification puis le suivi des espèces conservées ;
- une intégration du volet de valorisation des ressources à travers la réalisation d’activités génératrices de revenus, afin que l’engagement bénévole des acteurs locaux ne s’essouffle pas, puisque les efforts doivent se poursuivre pour un avenir toujours meilleur des APAC.
Des participants venus de plusieurs régions du Sénégal et d’autres pays africains
L’Assemblée générale a regroupé plus de 50 personnes, parmi lesquelles des représentants d’APAC du Sénégal, des premiers responsables de l’association KABEKA, les présidents des réseaux d’APAC de la Guinée et du Burkina Faso, un acteur de la Guinée-Bissau, une équipe de l’ONG Natural Justice. Tous les 27 membres de l’ANAPAC Sénégal ont été représentés. La présence aussi bien de femmes, de jeunes que de personnes âgées a permis à l’assemblée d’être inclusive de toutes les catégories sociales constitutives des communautés gardiennes d’APAC.
Une démarche en trois grandes étapes
En plus des cérémonies d’ouverture et de clôture présidées par les premiers responsables de l’ANAPAC Sénégal et de l’Association KABEKA, qui appuie les APAC, trois grandes étapes ont ponctué cette première Assemblée générale des APAC du Sénégal.
La plénière
Cette première étape a permis de faire connaissance au travers des présentations et des interventions des différents membres de l’ANAPAC Sénégal. Il s’est agi, pour ces acteurs, de faire le point sur le fonctionnement des consortiums zonaux d’APAC. La présentation de chaque consortium zonal a montré peu de réalisations et soulevé plusieurs difficultés liées à une absence de reconnaissance au-delà du niveau communal et une faible mobilisation de ressources financières pour renforcer l’organisation à la base.
Les participants venus des autres pays se sont entretenus avec l’assistance sur leur expérience respective et la situation des APAC chez eux. Ce fut également le moment pour chaque membre de l’ANAPAC d’exposer son bilan, ses contraintes et ses prévisions . La plénière a servi, en outre, aux restitutions des travaux de groupe. Enfin, ce fut l’occasion d’une communication, par l’ONG Natural Justice, sur le cadre juridique des APAC au Sénégal et les formes de reconnaissance envisageables. Après avoir noté l’existence de reconnaissance juridique au niveau local, elle a présenté les brèches qui ont été exploitées par les acteurs à partir de la loi sur la décentralisation.
Les ateliers
Trois groupes de travail ont été formés pour réfléchir sur des thématiques différentes mais retenues comme majeures par les membres de l’ANAPAC Sénégal.
La visite de l’APAC Kawawana
Dès lors, il était opportun pour les participants à l’AG d’apprendre de Kawawana pour relever les défis qui se posent à leurs structures.
Les résultats
Décisions adoptées
La réflexion sur la situation de l’ANAPAC et les orientations stratégiques pour les années à venir a permis de retenir les axes suivants :
- organisation d’un réseau sous régional ouest africain des APAC;
- plaidoyer continu auprès des décideurs politiques ;
- meilleure participation des femmes ;
- renforcement de capacités des acteurs ;
- recherche de synergie avec les autres formes d’aires protégées ;
- reconnaissance juridique des APAC et leur inscription dans la nomenclature des aires protégées au Sénégal ;
- promotion des savoirs et du patrimoine culturel des APAC ;
- une déclaration finale dite « Déclaration de Ziguinchor », lue et adoptée par l’ensemble des participants, qui consigne toutes ces recommandations.
« Déclaration de Ziguinchor »
Nous, communautés gardiennes d’APAC (Aires et territoire du Patrimoine Autochtone Communautaire) du Sénégal, réunies en Assemblée générale du 28 au 30 juin 2021 à Ziguinchor ;
Nous référant à l’article 25-3 de la Constitution qui dispose à son alinéa 4 que « Tout citoyen a le devoir de préserver les ressources naturelles et l’environnement du pays et d’œuvrer pour le développement durable au profit des générations présentes et futures » ;
Prenant acte de la Convention sur la Diversité Biologique et de ses Objectifs d’Aïchi, de la Promesse de Sydney issue du 6ème Congrès mondial des aires protégées ;
Conscients du rôle que les communautés doivent jouer dans l’atteinte de ces objectifs ;
Soucieux de notre bien-être et de l’avenir de nos enfants et des générations futures ;
Conscients des menaces actuelles qui pèsent sur les APAC ;
Soucieux de la préservation des valeurs culturelles en rapport avec la protection de la nature ;
1. Recommandons la prise en compte appropriée des APAC dans le cadre juridique du Sénégal relatif à la biodiversité ;
2. Invitons l’État du Sénégal à reconnaître et valoriser la contribution des APAC en tant que modes de gouvernance locale de la biodiversité ;
3. Exhortons l’État du Sénégal à soutenir l’identification et le fonctionnement des APAC en tant que territoires de vie des communautés locales ;
4. Encourageons les partenaires techniques et financiers à soutenir directement les communautés gardiennes d’APAC dans leurs efforts de conservation et de défense contre la surexploitation des ressources ;
5. Exhortons les communautés à continuer à s’engager dans la conservation de leurs APAC et à développer des modes d’utilisation durables de leur biodiversité pour les générations futures ;
6. Exhortons les communautés gardiennes d’APAC à faire revivre les valeurs culturelles et à promouvoir le transfert de connaissances au profit de la nouvelle génération.
Fait à Ziguinchor le 30/06/2021