First published on 08/24/2019, and last updated on 09/25/2019
Par Alexis Kaboré, Coordinateur Régional du Consortium APAC pour la région du Sahel.
Du 6 au 9 août 2019, la ville de Banjul, en Gambie, a accueilli l’atelier de Circonscription Elargie du FEM (Fonds pour l’Environnement Mondial) pour l’Afrique Sahélienne de l’Ouest. L’atelier visait à apporter plus d’informations sur le FEM et ses programmes aux différents points focaux nationaux, aux agences d’exécution et aux ONG partenaires.
Fort pertinemment, l’agenda de la rencontre incluait une visite de terrain. Avec Terence Hay-Edie, coordinateur global du PFM/FEM (Programme de Micro Financements du FEM) et André Florent Bassene, représentant de l’Association KABEKA (Sénégal), nous avons saisi cette opportunité pour découvrir des expériences d’APAC (aire et territoire du patrimoine autochtone et communautaire).
Nous avons été aux bons soins de Monsieur Kebba Bojang, coordinateur national du PMF/FEM en Gambie, qui a bien voulu nous conduire et nous guider. Nous avons ainsi pu visiter deux APAC côtières non loin de Banjul : la forêt communautaire du village de Kartong, et la réserve naturelle communautaire de Bolong Fenyo. Les deux sites sont situés dans une région de la Gambie appelée Kombo South West Coastal Region. Plus à l’est sur la même côte, se trouve la Casamance sénégalaise.
Le Bolong Fenyo Community Wildlife Reserve abrite une rivière, ainsi que l’importante forêt galerie qui la borde. Celle-ci est d’une densité et d’une diversité floristiques très appréciables : rôniers, lianes, bois de rose, mangroves, etc. Dans la forêt, on vit au rythme des cris des nombreux oiseaux et des singes, attirés par cette végétation luxuriante et abondante de nourriture. Les anacardiers qui sont plantés, à la différence d’autres espèces, contribuent à ce fort peuplement faunique du biotope par leurs fruits et leur feuillage.
La réserve est parfois victime de cette richesse forestière quand certains habitants du village veulent par exemple couper le rônier pour son bois et ses fruits. Mais c’est sur la mare que les activités préjudiciables sont actuellement les plus préoccupantes. Sur une de ses berges, une entreprise chinoise a installé une usine qui exploite les ressources piscicoles de façon destructrice : pêche abusive des gros poissons pour l’exportation et collecte sans contrôle des petits poissons pour le broyage aux fins de l’exportation de farine de poisson. Le comble est que cette usine rejette les déchets issus de ces transformations directement dans la rivière. La couleur de l’eau a tourné au vert-sombre, et une odeur nauséabonde s’en dégage, en plus du bruit des machines qui accueille le visiteur à distance. On pense naturellement aux conditions de pollution atmosphérique dans lesquelles vit la population.
Face à cela, l’association locale qui gère le Bolong joue un rôle essentiel dans la conservation de cette APAC. Elle assure une surveillance efficace et a mis en place un système de suivi écologique régulier, réalisé par des volontaires compétents.
Les données collectées par celui-ci révèlent une constance dans la densité de la faune sauvage et aquatique ces dernières années. Dans son ensemble, la communauté locale a pris des initiatives pour préserver ce précieux patrimoine. Les actions les plus remarquées furent les manifestations de protestation sous forme de rassemblements et de marches médiatisées contre l’usine.
Ces actions ont permis de contraindre l’entreprise à installer un dispositif de canalisation des eaux usées dans la mer et non plus dans la rivière. Le nouveau gouvernement, arrivé au pouvoir en janvier 2017 après la chute de l’ancien régime suite à un soulèvement populaire, a également construit des bureaux pour l’association.
Pourtant, le village fonde peu d’espoir sur la capacité du nouveau pouvoir de trouver une solution satisfaisante face aux pratiques polluantes de l’usine de poisson. Les intérêts financiers de la coopération chinoise paraîssent si importants pour l’Etat gambien (constructions d’infrastructures notamment) qu’une décision qui ne ferait pas l’affaire de l’entreprise chinoise est peu probable.
L’intervention d’un projet soutenu par le PMF/FEM il y a une dizaine d’années a été déterminante dans l’implantation de l’organisation interne de la communauté. Cela lui a en effet permis de résister à la disparition de son APAC. La communauté est aujourd’hui forte d’un réseau d’alliés assez important pour la soutenir dans la défense de sa réserve naturelle. Membre du Consortium international APAC, l’association qui assure la coordination de l’ensemble des activités depuis si longtemps force l’admiration. Merci à l’équipe du Bolong Fenyo et, en particulier, à Badara Bajo, son chef, pour l’accueil et la découverte de leur œuvre salutaire.
Photo de couverture: L’usine chinoise de poisson – site de démonstrations de protestation de la population locale © Terence Hay-Edie.