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Peuples Autochtones et communautés locales affirment leur rôle dans la conservation lors du Congrès de l’UICN sur les Aires protégées et conservées d’Afrique

En juillet 2022, le Consortium APAC était présent lors du premier Congrès sur les aires protégées et conservées d’Afrique (Congrès-APAC), organisé à Kigali sous l’égide de l'UICN. Les Peuples Autochtones et les communautés locales y ont fait entendre leur voix pour appeler à une conservation inclusive et communautaire sur tout le continent

La deuxième Assemblée régionale africaine des APAC-territoires de vie. Photo : courtoisie de Christian Chatelain

First published on 01/29/2024, and last updated on 02/06/2024

Par le Consortium APAC


Le premier Congrès africain sur les aires protégées (ou Congrès-APAC pour Africa Protected Areas Congress – à ne pas confondre avec les APAC, les Aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire) s’est tenu du 18 au 23 juillet 2022 à Kigali, au Rwanda. Organisé par l’UICN, il s’agit du premier congrès de la sorte organisé à l’attention des gouvernements et sociétés civiles africaines. L’objectif de cette rencontre : œuvrer à l’harmonisation de la conservation de la nature et des modes de vie humains sur le continent, notamment en discutant du rôle des aires protégées dans la conservation de la nature et du patrimoine culturel africain.

Un Congrès dense nourri par une participation active et préparée des Peuples Autochtones et communautés locales

Pendant six jours, le Congrès-APAC a réuni plus de 2400 participant.e.s, notamment des dirigeant.e.s africain.e.s, des organismes gouvernementaux et des représentant.e.s de la société civile originaires de 80 pays, dont 53 pays africains.

Lors de la plénière d’ouverture, Milka Chepkorir a donné un discours retentissant pour décrier les injustices historiques commises à l’encontre des Peuples Autochtones et des communautés locales au nom de la conservation (vous pouvez voir et lire l’intégralité du discours ici). Les Peuples Autochtones et les communautés locales, dont des Membres du Consortium APAC, ont ainsi participé activement à plus d’une vingtaine de sessions du Congrès traitant de sujets cruciaux, notamment : la propriété foncière, le « 30 x 30 », la conservation menée par les communautés, la culture traditionnelle, les Autres mesures de conservation efficaces par zone (AMCE), les droits humains dans la conservation, l’intégration des Peuples Autochtones et communautés locales dans l’identification et la gestion des aires protégées et la conservation juste et inclusive. Une session sur la reconnaissance juridique des terres et territoires de vie collectifs a d’ailleurs été organisée par le Consortium APAC et a mis en lumière des exemples d’efforts positifs encourageant à aller vers un pluralisme juridique et politique.

De façon plus générale, le programme du Congrès, très dense, était découpé en trois volets de réflexion principaux : 1) la promotion des réseaux d’aires protégées et conservées ; 2) l’équilibre entre populations et aires protégées et conservées pour un bien-être mutuel ; et 3) la biodiversité comme fondation de la vie. Pour chacun de ces volets de réflexion, le point focal était l’Afrique et des thèmes transversaux sont venus alimenter les échanges : la gouvernance, les conflits d’usage, la résilience face au changement climatique, la science, la technologie et les savoirs autochtones, la finance et la durabilité, et l’impact des infrastructures… L’objectif final du Congrès était de façonner l’agenda de l’Afrique pour les aires protégées et conservées, dans l’intérêt commun des populations et de la protection de la nature.

Les représentant.e.s des Peuples Autochtones et des communautés locales ont participé de façon active, unie et pertinente lors de cette rencontre et certains avaient pu bénéficier d’une préparation à cet important événement lors du pré-Congrès, organisé en amont par IMPACT Trust Kenya et le Consortium APAC à la suite de l’Assemblée régionale africaine des APAC-territoires de vie

Le Congrès a été couronné par la production de deux documents importants : un mémorandum de clôture des Peuples Autochtones et des communautés locales ainsi qu’un appel à l’action pour les peuples et la nature.

Ne faire qu’un avec la nature

Le mémorandum porte un titre évocateur : « Nous ne faisons qu’un avec la nature ». Lu lors de la cérémonie de clôture du Congrès, il résume la situation des Peuples Autochtones et des communautés locales en Afrique : après des remerciements adressés à ceux qui écoutent leurs idées et leurs réclamations, le texte montre le déséquilibre entre, d’un côté, la conservation classique et ses parties prenantes et, de l’autre, la conservation menée par les communautés. Les Peuples Autochtones et les communautés locales exposent ensuite leurs engagements concernant notamment le partage de leurs connaissances et de leurs pratiques pour le respect et l’usage durable de la nature. Les trois messages clés à retenir dans ce document sont les suivants :

  • Les dialogues entamés ne doivent pas se terminer.
  • L’autonomisation doit remplacer la participation.
  • La décolonisation de la conservation commence par la prise de conscience par les gouvernements des capacités de conservation des Peuples Autochtones et des communautés locales.

En sus de ces messages, les gouvernements, les bailleurs de fonds, les organismes de conservation, les institutions académiques et les médias sont appelés à réaliser de multiples actions en lien avec la reconnaissance et le respect des compétences, des droits humains et de la gouvernance des Peuples Autochtones et des communautés locales sur leurs terres et territoires collectifs.

Vous pouvez consulter la version française de ce mémorandum ici : Déclaration de Kigali – Nous sommes la nature

Appel à l’action pour les peuples et la nature

Les participant.e.s au Congrès ont appelé à une série d’actions, rassemblées sous le thème « pour les peuples et la nature ». Ces actions visent à renforcer d’une manière juste et équitable les aires protégées et conservées d’Afrique, en rendant imprescriptible la participation des Peuples Autochtones et des communautés locales. L’appel culmine autour de quatre grandes lignes d’action :

  1. L’identification, la reconnaissance et le renforcement des capacités de tous les gardiens de la nature en Afrique à montrer la voie pour la conservation de la biodiversité de l’Afrique. Pour ce faire, les aires doivent être protégées et conservées d’une façon juste, équitable, partenariale et en réseau. La reconnaissance des Autres mesures de conservation efficaces par zone (AMCE) est par exemple l’un des moyens pour laisser la place à d’autres modes de gouvernance dans la conservation.
  2. La reconnaissance des injustices passées et actuelles subies par les Peuples Autochtones et les communautés locales dont les droits, les rôles, les responsabilités et les attentes ont été bafoués dans la poursuite des objectifs de conservation. Pour ce faire, des mécanismes de dialogue et de réparation des griefs doivent être instaurés et accessibles aux Peuples Autochtones et communautés locales.
  3. L’accroissement des investissements publics et privés dans la conservation de la nature et les zones protégées et conservées en tenant compte également de l’humain, en plus des services écosystémiques. Pour ce faire, les financements doivent être canalisés au moyen de mécanismes justes, équitables et efficaces pour permettre un appui direct aux Peuples Autochtones et aux communautés locales, dans un souci d’obtenir également des résultats sociaux aux efforts de conservation.
  4. Une approche intégrée entre toutes les parties prenantes pour aborder le lien entre climat, biodiversité, santé et conflits. Pour ce faire, il faut renforcer la collaboration, la coopération et le partenariat au niveau panafricain, en impliquant toutes les instances de gouvernance ainsi que les personnes marginalisées, dans un élan d’unité, d’autodétermination, de liberté, de progrès et de prospérité collective. Cette approche doit être conforme à l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Ces quatre lignes d’action sont ensuite déclinées en diverses demandes aux gouvernements et aux organisations de la conservation. Parmi les engagements du Congrès APAC, le souhait a notamment été exprimé de déclarer le 18 juillet de chaque année comme la « Journée des aires africaines protégées et conservées », afin de célébrer le patrimoine riche et unique de la biodiversité africaine et la diversité des Peuples qui en jouissent. Les participant.e.s au Congrès se sont également engagés à accueillir les recommandations formulées par les Peuples Autochtones et communautés locales et à organiser un Forum africain annuel sur les aires protégées et conservées en tant qu’organe panafricain inclusif et consultatif.

Vous pouvez consulter l’intégralité du texte de l’appel à l’action de Kigali pour les peuples et la nature ici : Appel à l’action – Pour les peuples et la nature.

Les Peuples africains, véritables leaders de la conservation en Afrique

Ce Congrès panafricain sur les aires protégées et conservées, premier du genre, fut donc couronné de succès et a permis la participation active des multiples parties prenantes à la conservation en Afrique. Les enjeux sont de la taille du continent, mais les énergies et les volontés sont au rendez-vous pour garantir l’avenir de la biodiversité et des paysages africains.


N’hésitez pas à consulter les autres articles en lien avec les évènements de Kigali sur notre page dédiée : ASSEMBLÉE RÉGIONALE AFRICAINE 2022 & CONGRÈS AFRICAIN DES AIRES PROTÉGÉES DE L’UICN.