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L’accès au financement direct : des difficultés pour les Peuples Autochtones qui défendent les APAC dans un contexte de mesures coercitives unilatérales et de conflit armé

Les effets néfastes des mesures coercitives unilatérales contrastent de façon flagrante avec leurs prétendus objectifs de promotion des droits humains et de la démocratie : pourtant censées les protéger, ces mesures menacent ces valeurs

Des personnes s’enfuient vers la forêt pour échapper aux frappes aériennes sur le Parc de la paix de Salween au Myanmar. (À droite) Les villageois rassemblés sur les berges de la rivière Salween après avoir été repoussés par l’armée thaïlandaise. Crédit photo : Parc de la paix de Salween

First published on 11/18/2024

Par Hanieh Moghani


Les aires du patrimoine autochtone et communautaire – les APAC ou territoires de vie, ne sont pas que vitales : elles sont également indispensables pour la conservation de la biodiversité, pour la préservation du patrimoine culturel et pour la durabilité des services écosystémiques. Pourtant, les Peuples Autochtones qui maintiennent et défendent ces territoires font face à des défis conséquents pour accéder aux fonds en raison des mesures coercitives unilatérales (MCU) et des conflits armés.

Des nations puissantes imposent des MCU, notamment des sanctions économiques, des restrictions commerciales et des embargos financiers, afin d’influencer les politiques et la gouvernance des pays visés. Ces mesures cherchent souvent à changer le régime, à manipuler la politique et à contrôler l’économie.

Cependant, l’impact de ces mesures ne se limite pas aux objectifs politiques. Cet impact va bien au-delà et affecte sévèrement l’accès des communautés autochtones aux fonds et aux ressources essentiels qui sont déterminants pour le maintien des APAC.

Les MCU créent des difficultés économiques considérables en réduisant la disponibilité des financements et en limitant l’accès aux systèmes bancaires internationaux. Par exemple, les sanctions sur l’Iran ont entraîné une pénurie de biens essentiels et de ressources financières, affectant de manière disproportionnée les Peuples Autochtones, y compris ceux gérant des APAC.

De la même façon, au Venezuela, les sanctions économiques ont exacerbé la crise économique, limitant considérablement les fonds destinés aux communautés autochtones et aux projets de conservation essentiels pour les APAC.

Les effets néfastes des MCU contrastent de façon flagrante avec leurs prétendus objectifs de promotion des droits humains et de la démocratie. Ces mesures, censées pourtant les défendre, menacent ces valeurs. Elles limitent l’accès aux médicaments essentiels et aux fournitures médicales,entravent le développement économique, augmentent la pauvreté et perturbent la stabilité sociale et économique, affectant de manière disproportionnée les populations vulnérables, y compris les Peuples Autochtones.

Par exemple, les sanctions imposées à Cuba ont entraîné une stagnation économique et des pénuries de biens essentiels, ce qui a eu un impact direct sur la qualité de vie des citoyens ordinaires et sur la durabilité de la gouvernance environnementale.

Les conflits armés exacerbent les difficultés d’accès aux fonds pour les communautés autochtones. Les conflits perturbent la gouvernance et les infrastructures, entraînant la destruction d’installations essentielles et des déplacements forcés. Les risques liés à la sécurité et le détournement des ressources rendent difficiles le versement des fonds et la mise en œuvre des projets, ce qui compromet les efforts de conservation au sein des APAC.

En Colombie, les territoires autochtones sont souvent pris en tenaille dans les conflits entre les forces gouvernementales et les groupes armés. Cela leur pose des problèmes de financement car les fonds internationaux et locaux sont redirigés vers l’atténuation des conflits plutôt que vers la conservation des APAC.

De même, en République démocratique du Congo (RDC), le contrôle des territoires autochtones riches en minerais par des factions armées restreint l’accès aux fonds pour les projets communautaires et cela a un impact sur la gestion des APAC.

Pour faire face à ces difficultés, une approche multidimensionnelle est nécessaire. Renforcer les cadres internationaux juridiques et politiques peut protéger les territoires autochtones et garantir un financement ininterrompu pour les APAC. Créer des mécanismes de financement flexibles, capables d’opérer dans un climat de sanctions et de conflits, est essentiel.

Des initiatives telles que le Programme de microfinancements du Fonds pour l’Environnement mondial (FEM) et l’initiative Équateur du PNUD offrent des options de financement adaptables et soutiennent des solutions de développement durable au sein des APAC.

Recommandations

  1. Plaider pour des changements de politiques : faire pression en faveur de réformes politiques internationales visant à atténuer l’impact des MCU sur le financement autochtone, en particulier sur les APAC.
  2. Développer des mécanismes de financement résistants aux conflits : créer des modèles de financement qui s’adaptent aux situations de conflit, afin de garantir un soutien continu aux APAC.
  3. Accroître le suivi et les rapports : renforcer les mécanismes de suivi de l’impact des MCU et des conflits sur le financement autochtone et soumettre des rapports aux organismes internationaux, en mettant l’accent sur la préservation des APAC.

Les MCU et les conflits armés entravent considérablement l’accès direct des Peuples Autochtones aux fonds, ce qui a un impact sur leur capacité à maintenir et à défendre les APAC – leurs territoires de vie. La collaboration internationale et les réformes politiques sont cruciales pour développer des mécanismes de financement résilients et soutenir les communautés autochtones dans leurs efforts de conservation.

Références

  • Sanctions et difficultés économiques, Nations Unies, 2023
  • Impact des sanctions économiques sur le Venezuela, Human Rights Watch, 2022
  • Carences en santé dans les nations sanctionnées, Organisation mondiale de la santé, 2023
  • Impact économique de l’embargo des Etats-Unis sur le Cuba, Amnesty International, 2022
  • Conflit et territoires autochtones en Colombie, International Crisis Group, 2023
  • Conflits sur les ressources en RDC, Global Witness, 2023
  • Programme de microfinancements du Fonds pour l’environnement mondial, FEM, 2022
  • Initiative Équateur du PNUD, Programme des Nations Unies pour le développement, 2023

À propos de l’autrice

Hanieh Moghani est membre experte et vice-présidente de l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones (UNPFII) et conseillère juridique principale au CENESTA (Membre du Consortium APAC). Elle est avocate, conseillère juridique, animatrice communautaire, éducatrice et activiste autochtone et travaille à l’interface de la science, de la politique et de la société. Elle est spécialisée dans l’élaboration de modèles d’analyse politique, économique et systémique pour des problèmes complexes liés à l’eau, à la biodiversité, à l’alimentation, au climat et à l’environnement, afin d’en tirer des enseignements en matière de politique, de droit et de gouvernance.