La mobilisation des ressources a toujours été le point de l'agenda le plus délicat et le plus controversé lors de la recherche de consensus
First published on 12/03/2024
Par Rudrath Avinashi (Kalpavriksh, Membre du Consortium APAC)
La 16e Conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP16 de la CDB) s’est déroulée à un moment crucial. Avec son appel à faire la « paix avec la nature », la COP16 de la CDB devait être axée sur les solutions pour faire progresser le cadre mondial pour la biodiversité ; un accord international conclu lors de la COP15 qui vise à enrayer la perte de biodiversité par une approche holistique à l’horizon 2030.
Les parties à la COP16 de la CDB avaient plusieurs projets de décisions sur des questions importantes à traiter, telles que l’information sur le séquençage numérique (DSI en anglais), la mise en œuvre de l’article 8(j), les mécanismes de planification, de suivi, de rapport et d’examen, entre autres, et comment y inclure les voix des Peuples Autochtones et des communautés locales, des femmes et des jeunes qui contribuent à l’opérationnalisation du cadre mondial pour la biodiversité.
La mobilisation des ressources a toujours été le point à l’agenda le plus délicat et controversé lorsqu’il s’agit de parvenir à un consensus. L’article 20 de la Convention stipule qu’il incombe aux pays développés d’assurer le flux des ressources financières par divers canaux. Les divergences de vues sur le sujet surgissent au moment de déterminer les modalités d’administration des ressources.
C’est également l’un des principaux points de discorde survenus au cours des négociations entre les pays développés et les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés et les petits états insulaires en développement. La discussion sur la mobilisation des ressources s’est ouverte dès la première semaine de la COP16 de la CDB avec les préoccupations exprimées par les pays en développement au sujet de l’actuel instrument qu’est le fonds du cadre mondial pour la biodiversité (GBFF en anglais), opéré par le Fonds pour l’environnement mondial, qui s’est avéré jusqu’à présent inefficace pour acheminer des fonds vers ces pays.
Ils ont demandé la mise en place d’un instrument de financement distinct consacré à la biodiversité. Cependant, les pays développés restent prudents quant à l’établissement de nouveaux mécanismes et ont exhorté les autres parties à réfléchir à la manière dont les mécanismes existants peuvent être utilisés pour combler le déficit de financement de la biodiversité. Au cours d’une discussion sur une stratégie de mobilisation des ressources, les parties ont poursuivi leurs débats sur la nécessité d’un nouvel instrument de financement. Elles ont discuté des critères pour son élaboration future.
Aucun consensus n’a été atteint sur les recommandations adoptées lors de la quatrième réunion de l’organe subsidiaire de mise en œuvre.
Vers la fin de la première semaine, les coprésidents du groupe de contact sur la mobilisation des ressources ont tenté de rationaliser les négociations globales. Ils ont donné la priorité à la finalisation des parties opérationnelles du texte de la stratégie et ont travaillé à la création d’un paragraphe alternatif qui engloberait la plupart des suggestions partagées par les différentes parties, reflétant ainsi une approche consensuelle.
Le nouveau paragraphe proposé inclurait des références à l’article 20 de la Convention sur la diversité biologique, qui décrit des principes essentiels en matière de ressources financières, pertinents pour les négociations. En outre, il prendrait en considération les obligations existantes auxquelles les parties se sont engagées, en veillant à ce que les nouvelles propositions s’alignent sur les cadres existants.
La plupart des parties ont rappelé que cette stratégie devait être utilisée comme un document d’orientation flexible, à aligner avec les contextes et priorités nationaux. Un débat approfondi a également eu lieu sur les actions de facilitation de la stratégie de mobilisation des ressources, en particulier sur le rôle des banques centrales nationales dans la conduite d’évaluations des risques pour la nature et dans l’élaboration de rapports plus complets sur les risques environnementaux et sociaux. Des contre-arguments et des préoccupations ont été exprimés quant à la nécessité de ne pas empiéter sur les mandats des banques centrales nationales et même quant à l’ensemble de la procédure d’opérationnalisation de cette action, qui pourrait s’avérer lourde pour de nombreuses parties.
Le groupe de contact a regretté la lenteur des négociations sur ce point de l’agenda ; toutefois, compte tenu de la nature complexe et de la criticité du sujet, les présidents de séance ont souligné l’importance de disposer de suffisamment de temps pour les délibérations.
Il est intéressant de noter que huit gouvernements se sont engagés à verser 163 millions de dollars supplémentaires au GBFF. Pour combler le déficit de financement de la biodiversité, les coprésidents ont partagé une proposition visant à établir un comité consultatif d’experts ; cependant, aucun consensus n’a été atteint sur l’approche d’un processus intersessions qui développerait les modalités pour explorer en profondeur toutes les spécificités de la mobilisation des ressources. La nécessité de garantir un accès rapide aux ressources financières et au renforcement des capacités pour les détenteurs de droits, y compris les Peuples Autochtones et les communautés locales, les femmes et les jeunes, est un point essentiel dans le cadre des actions habilitantes de la stratégie, et certains de ces points du texte ont été résolus.
Compte tenu des multiples crises, notamment celles de la biodiversité et du changement climatique, la COP16 de la CDB n’aurait pas pu se tenir à un moment plus important. Avec la 29ème Conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et la 16ème Conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification à venir, les parties réunies à Cali auraient pu donner le ton en fixant des objectifs inclusifs et ambitieux, mais surtout en les mettant en œuvre. Cela aurait eu le potentiel de créer des effets d’entraînement positifs pour le reste du monde dans les temps à venir.
La COP16 de la CDB a pris certaines décisions majeures, telles que la création d’un organe subsidiaire permanent sur l’article 8(j) et la mise en place des modalités pour un fonds mondial, désormais connu sous le nom de fonds de Cali, pour le partage juste et équitable des avantages découlant de l’utilisation des DSI sur les ressources génétiques ; toutefois, les contributions à ce fonds restent volontaires.
Cependant, l’incapacité des parties à parvenir à un consensus sur la mobilisation des ressources retardera le comblement du déficit de financement de la biodiversité à un moment crucial. Le manque de volonté politique, en particulier dans les pays développés, se reflète également dans leur incapacité, jusqu’à maintenant, à mobiliser les 20 milliards de dollars annuels requis d’ici 2025. L’efficacité de l’instrument de financement existant, soutenu par les pays développés, dépendra de leur conscience politique et de leur capacité à agir à temps.
Rudrath Avinashi est chercheur et professionnel du développement. Il a participé à la COP16 de la CDB en tant que membre de la délégation du Consortium APAC. Rudrath peut être contacté à l’adresse suivante : rudrathavinashi16[at]gmail[dot]com