Les membres et alliés du Consortium APAC célèbrent la Journée internationale des Peuples Autochtones 2025
First published on 09/25/2025
Par le Consortium APAC
La célébration de la Journée internationale des Peuples Autochtones (9 août) vise à promouvoir la sensibilisation, le plaidoyer et l’action internationale sur les questions importantes pour les Peuples Autochtones. Cette année, le Consortium APAC a organisé une réunion en ligne le 7 août pour commémorer cette journée.
À l’intersection entre financement, intelligence artificielle (IA) et savoirs ancestraux : amorcer la conversation
Lors de cette réunion, la discussion a été animée par Pooven Moodley, coordinateur pour la défense et les droits au Consortium APAC. Il a posé le débat en mentionnant différents phénomènes interconnectés, notamment les transformations technologiques actuelles, les menaces et les violences continues contre les Peuples Autochtones, et le rôle critique que les savoirs ancestraux et les sagesses autochtones jouent et peuvent continuer à jouer, tandis que nous façonnons collectivement notre futur.
Le modérateur a également rappelé qu’il s’agissait d’un espace ouvert aux conversations informelles, afin d’explorer ensemble les intersections existantes entre financement, IA et savoirs ancestraux. Ses questions percutantes ont ensuite servi de point de départ à la conversation, car chacune d’entre elles amenait les participants à s’engager dans une réflexion profonde sur la signification de ces intersections et des relations entre la terre, la communauté et la sagesse dans le contexte des crises que nous sommes en train de traverser.
Pooven a incité les participants à poser des questions critiques sur les dynamiques de pouvoir dans les financements inadaptés ou injustes, en s’interrogeant notamment sur qui bénéficie des changements en cours et qui est laissé pour compte. Il a mis en garde contre les impacts de ces dynamiques sur les communautés défavorisées et souligné la nécessité de protéger les générations futures des conséquences irréversibles d’actions non durables.
La conservation menée par les Autochtones : le financement direct comme clé pour financer l’avenir
En tant que premier intervenant, Giovanni Reyes (membre d’honneur), leader autochtone venant des Philippines et président du groupe consultatif des Peuples Autochtones du fonds pour l’environnement, a partagé ses réflexions sur le soutien financier et le financement des territoires de vie. Il a ainsi déclaré que les relations avec les bailleurs de fonds et les organes multilatéraux impliquent actuellement pour les Peuples Autochtones et leurs représentants de « faire entendre la nécessité d’un basculement dans les perspectives de financement, en laissant derrière les approches paternalistes, pour des approches basées sur la reconnaissance et le respect ». La très importante contribution des Peuples Autochtones à la préservation de la biodiversité et à la résilience climatique constitue un argument de taille en faveur de ce changement. Tout en soulignant l’ironie du fait que ceux qui contribuent le plus à la conservation sont aussi ceux qui reçoivent le moins de financements, il a plaidé pour un accès direct à des ressources financières alignées sur la défense des droits des Peuples Autochtones.
« Cet accès direct comprend les Peuples Autochtones et leurs représentants, organisations et réseaux, ainsi que la participation d’intermédiaires que les réseaux de Peuples Autochtones identifient comme ayant un historique convenable en termes de relations de travail et qu’ils peuvent désigner comme parrains fiscaux en vertu de leur autodétermination », a expliqué Giovanni. Il a ensuite mentionné que les exigences bureaucratiques et rigides des bailleurs de fonds posent des défis majeurs dans le domaine du financement, de même que la présence d’intermédiaires sans expérience de collaboration avec les communautés des Peuples Autochtones.
Giovanni a également mentionné des exemples spécifiques, notamment l’expérience du programme de microfinancements du Fonds pour l’environnement mondial (PMF/FEM), qui a permis aux communautés d’accéder à des financements et de mettre en œuvre les initiatives de leur choix sur leurs territoires. Il a aussi mentionné les bailleurs qui opèrent selon un modèle de financement basé sur la confiance, en expliquant que cela constitue un accès direct et important pour obtenir des financements pour les territoires de vie, en particulier pour ceux qui font face à des menaces et dangers de violations des droits humains. Giovanni a conclu son intervention sur une note positive, en soulignant que malgré les nombreux défis, « les Peuples Autochtones doivent rester les PDG des paysages de la biodiversité planètaire ».
Hanieh Moghani, coordinatrice régionale du Consortium APAC pour l’Asie occidentale et centrale et le Caucase, a pris la parole à son tour pour présenter une introduction générale et rappeler le parcours des Peuples Autochtones au sein des institutions et des processus des Nations Unies (ONU). Elle a mis en avant les fondements des droits des Peuples Autochtones, ainsi que les mécanismes actuels, qui sont le résultat de décennies de plaidoyer.
Hanieh a ensuite retracé l’évolution de la participation des Peuples Autochtones dans les systèmes des Nations Unies, de leur marginalisation jusqu’à leur reconnaissance en tant que Peuples dotés de droits distincts. Elle a présenté en détails les trois mécanismes principaux des Nations Unies dédiés aux Peuples Autochtones : l’Instance permanente des Nations Unies sur les questions autochtones, le Mécanisme d’experts sur les droits des Peuples Autochtones et le Rapporteur spécial sur les droits des Peuples Autochtones, qui soulignent tous systématiquement l’importance d’un financement direct et décolonisé. Elle a conclu sa présentation par un appel à soutenir le financement direct des Peuples Autochtones.
A propos des systèmes actuels et des alternatives : naviguer vers l’avenir dans un monde en mutation
Pooven a ensuite rebondi sur l’intervention de Hanieh, en soulignant les nuances historiques du parcours des Peuples Autochtones, dans leur tribulations à travers les espaces juridiques disponibles. Il a également partagé sa réflexion sur l’émergence d’alternatives, et illustré son propos en partageant son expérience d’une rencontre avec de nombreux sages autochtones et activistes, qui avaient alors employé l’analogie d’un canoë pour évoquer les actions à mener en ces temps difficiles.
« Le canoë dans lequel nous nous trouvons commence à tomber en morceaux, il prend l’eau et certains de ses passagers sont poussés par-dessus bord. Les gens sont affairés à réparer le canoë, ils tentent de le réorienter, beaucoup se montrent préoccupés par le fait de naviguer des courants puissants ; on s’inquiète d’un naufrage imminent, qui semble assez probable. Que faire dans cette situation ? Nous continuons à faire de notre mieux pour protéger ce que nous devons protéger. Et en même temps, il est essentiel de construire un nouveau canoë, car celui-ci part en lambeaux, et nous risquons tous de périr sur le canoë actuel si l’on n’agit pas à temps » .
Il a également encouragé les participants à méditer sur le sens de la proposition suivante : « tracer une nouvelle voie, basée sur la connaissance qui nous permettra de créer un pont entre le moderne et l’ancien ».
Mohammad Arju, coordinateur de la communication et du plaidoyer du Consortium APAC, a ensuite été invité par le modérateur à partager rapidement ses observations sur l’IA, en lien avec le thème officiel de cette année, « Peuples Autochtones et IA : défendre les droits et façonner les futurs ». Arju a souligné que ces dernières années, certains groupes de conservation ont commencé à plaider pour l’utilisation de l’IA dans la gouvernance de la conservation de la nature. Conscient du fait que les communautés garantes et gardiennes des territoires de vie ne considèrent pas l’IA comme une priorité, il pense que les membres du Consortium APAC devront sûrement relever les défis qui accompagneront l’introduction de l’IA dans la gouvernance de la nature.
Arju a également indiqué que la plupart des systèmes qui intègrent l’IA sont construits sans aucune contribution des Peuples Autochtones. Cela pourrait impliquer des risques d’utilisation erronée de données et d’identités, et renforcer les biais existants, en particulier dans les processus décisionnels. Des ressources considérables sont également nécessaires pour faire fonctionner les data centers, indispensables à l’exécution des processus de l’IA, ce qui constitue un autre facteur à prendre en compte dans l’évaluation des coûts et bénéfices de l’IA.
Partager les récits, échanger des idées
Au cours du forum ouvert, les participants ont souligné la nécessité pour les communautés autochtones de recourir aux nouvelles technologies tout en protégeant leurs savoirs et leurs droits de façon rigoureuse. Paul Saing’eu, coordinateur régional pour l’Afrique de l’Est, a indiqué que de nombreuses communautés autochtones manquent encore d’accès aux formations institutionnelles basiques pour l’utilisation des technologies modernes, malgré l’utilisation généralisée des technologies grand public comme les smartphones. Il a insisté sur le besoin urgent de sensibiliser et de protéger les identités et les données autochtones.
Terence Hay-Edie, membre d’honneur du Consortium, a évoqué des initiatives comme Nature ID, qui s’inspire de la rivière néo-zélandaise de Whanganui, dont les Peuples Autochtones ont été reconnus comme protecteurs légaux. Il a également mentionné des réseaux émergents, comme l’Indigenous Data Network et le groupe de travail autochtone de la Biodiversity Credits Alliance, qui vise à rémunérer les Peuples Autochtones pour leur travail de gestion et protection de la nature. Il a également partagé l’exemple de communautés équatoriennes qui ont recours aux pièges photographiques et aux enregistrements sonores pour documenter la biodiversité et défendre leurs droits fonciers. Finalement, il a évoqué le lancement des appels à candidatures du prochain cycle de l’initiative mondiale de soutien aux APAC (GSI) dans le cadre du programme de microfinancement du PNUD, qui se concentre sur les technologies communautaires innovantes pour le suivi de la biodiversité.
Karen Wong, membre d’honneur, a partagé ses réflexions sur leur travail d’intégration de divers systèmes de connaissances et travaux de recherche dans leurs initiatives pour les droits de la nature. Elle a donné des informations relatives à un atelier qui sera organisé prochainement par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat et sera consacré à l’intégration de divers systèmes de connaissances, y compris les systèmes de connaissances autochtones. Une partie des discussions portera sur le développement de cadres éthiques pour l’utilisation de l’IA, et il a été mentionné qu’il serait bénéfique de créer des synergies et de continuer les échanges d’informations.
Pooven a conclu la séance en soulevant plusieurs inquiétudes autour de la propriété intellectuelle et de la manière dont les entreprises pharmaceutiques essaient de déposer des marques sur des dérivés de savoirs traditionnels sans reconnaître dûment les Peuples Autochtones comme détenteurs de ces savoirs. Il a également partagé des informations concernant Awana Digital, un groupe qui collabore avec les défenseurs de la Terre pour co-développer des technologies au service de la justice sociale. L’une d’entre elles est Mapeo, un outil open-source qui a aussi été utilisé pour cartographier les APAC-territoires de vie.
Perspectives d’avenir
La réunion s’est conclue par les discours de clôture des intervenants et des invités. Un appel a été lancé pour renforcer la collaboration et les actions en matière d’apprentissage entre pairs et d’échanges des connaissances. Les membres ont également été invités à contribuer au prochain ouvrage intitulé « Financer les territoires de vie ». Des discussions additionnelles sur l’IA et la souveraineté des données autochtones ont également été évoquées comme une voie à suivre pour poursuivre les conversations entamées.
La commémoration de la Journée internationale des Peuples Autochtones par le Consortium APAC a mis en lumière notre mission fondamentale : défendre la reconnaissance et le soutien des territoires de vie et de leurs gardiens autochtones. Les discussions animées ont renforcé la vitalité des savoirs autochtones et le pouvoir de l’action communautaire pour mener un changement durable et transformateur.
Remarque : le compte-rendu de la réunion est réalisé par Diana San Jose.