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L’avenir de l’alimentation : la diversité des systèmes de souveraineté alimentaire au niveau local est au cœur de la sécurité alimentaire mondiale

Journée mondiale de l'alimentation 2022 : Déclaration de solidarité du Consortium APAC envers les Peuples Autochtones et les communautés locales

Des enfants aidant dans la chacra, sur le territoire du Peuple Autochtone Kichwa de Sarayaku. Photo: Wachachik

First published on 10/13/2022, and last updated on 10/27/2022

Par Consortium APAC


Le 16 octobre est la Journée mondiale de l’alimentation. Le thème de la Journée mondiale de l’alimentation 2022 est « ne laisser PERSONNE de côté ». L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) reconnaît que nous sommes confrontés à « une pandémie persistante, des conflits et un climat qui ne cesse de se réchauffer, l’augmentation des prix et des tensions internationales » et souligne que nous devons œuvrer à « construire un monde durable où chacun, en tout lieu, peut se procurer de manière régulière des aliments nutritifs en suffisance ».

Sur les territoires de vie collectifs du monde entier, les systèmes de gouvernance et les pratiques culturelles des Peuples Autochtones et des communautés locales leur permettent de récolter et de produire durablement des aliments divers et nutritifs, sauvages ou cultivés, tout au long de l’année.

Dans le rapport 2021 du Consortium APAC sur les territoires de vie, plusieurs études de cas ont mis en lumière des systèmes de souveraineté alimentaire. Dans certains cas, les communautés qui disposaient de systèmes alimentaires solides avant la pandémie de la COVID-19 ont pu s’en sortir relativement bien, malgré les multiples pressions. Par exemple, le Peuple Manobo des Philippines a réussi à produire et à récolter des aliments sains, provenant de ses fermes et de sa forêt, ainsi que de l’eau potable provenant des ruisseaux du Pangasanan, son territoire coutumier, alors que les réseaux de production et de consommation alimentaires traditionnels du pays étaient complètement perturbés.

Au Sénégal, une communauté de pêcheurs du Peuple Diola, en Basse Casamance, a pris l’initiative de restaurer son territoire de vie estuarien et a rétabli la chaîne alimentaire grâce à la réapparition de plusieurs espèces de poissons et de leurs prédateurs. Depuis plus d’une décennie, l’association communautaire Kawawana soutient les communautés autonomes de huit villages, qui rassemblent près de 12 000 personnes, et leur permet d’améliorer leurs systèmes alimentaires.

En Iran, le CENESTA, Membre du Consortium APAC, a travaillé avec des communautés de tout le pays, y compris la Confédération tribale de Shahsevan dans le nord-ouest, sur la côte sud et sur l’île de Qeshm, où les communautés s’efforcent de maintenir les pêcheries, le pastoralisme, les produits laitiers et d’autres éléments de leurs systèmes alimentaires autochtones et nomades, malgré de nombreux défis systémiques.

L’expérience de ces communautés ainsi que celle de mouvements similaires dans le monde entier montre que l’un des moyens les plus efficaces d’assurer la sécurité alimentaire à grande échelle – que ce soit au niveau national, régional ou mondial – est de garantir la diversité des systèmes de souveraineté alimentaire durables au niveau local. Ces systèmes sont basés sur différentes stratégies de subsistance, notamment le nomadisme, le pastoralisme, la chasse, la cueillette, l’agriculture et la pêche, et ce dans tous les écosystèmes et toutes les régions du monde. Par le passé, les systèmes alimentaires durables ont été la base de notre survie et ils le seront encore à l’avenir.

Cependant, les Peuples Autochtones et les communautés locales et traditionnelles continuent de subir les effets des injustices passées et actuelles, y compris celles commises au nom de la conservation, et qui sapent directement leurs systèmes de souveraineté alimentaire.

Bien que de nombreuses communautés aient maintenu leurs systèmes de souveraineté alimentaire au fil des décennies, voire des siècles, face aux pressions extérieures, les impacts des crises interconnectées, planétaires et sociales, se font de plus en plus sentir au quotidien, aggravant et exacerbant souvent les inégalités et les injustices déjà existantes. Dans un monde qui évolue rapidement, une reconnaissance et un soutien appropriés – tels que la reconnaissance mutuelle entre nations autochtones souveraines, la reconnaissance juridique par le biais des systèmes d’états-nations ou autre – peuvent constituer un facteur clé de la capacité des communautés à préserver leurs systèmes pour les générations futures. Il s’agit d’un besoin urgent pour les communautés concernées, en tant que gardiennes de la diversité de la vie sur terre, ainsi que pour le développement durable et la sécurité alimentaire de tous.

Nous demandons instamment aux décideurs politiques aux niveaux local, national, régional et international de (a) désinvestir des industries (telles que l’exploitation forestière industrielle, les plantations de monoculture et les entreprises agrochimiques) qui menacent directement les gardiens autochtones et communautaires des territoires de vie et leurs systèmes de souveraineté alimentaire ; et (b) d’investir dans des environnements favorables pour que ces communautés et systèmes alimentaires puissent s’épanouir selon leurs propres termes. Ces environnements favorables doivent être culturellement enracinés et spécifiques à chaque contexte, mais pourraient inclure, entre autres, les éléments suivants :

  • La reconnaissance politique et juridique appropriée de la gouvernance et des systèmes fonciers coutumiers et collectifs ainsi que des droits connexes des gardiens autochtones et communautaires (y compris la reconnaissance des territoires de vie ancestraux autodéterminés), et un soutien institutionnel pour réaliser et faire respecter ces droits dans la pratique, et pas seulement sur le papier ;
  • La décriminalisation des pratiques culturelles qui sont au cœur des systèmes de souveraineté alimentaire des communautés (comme l’agriculture itinérante et la collecte de produits forestiers non ligneux) ;
  • Veiller à ce que les gardiens autochtones et communautaires des territoires de vie soient pris en compte dans les processus décisionnels qui les concernent, en adoptant des approches équitables, inclusives et intégrées des questions interdépendantes que sont la production alimentaire durable, la conservation de la nature, ainsi que l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci ;
  • Un soutien flexible, financier, technique, solidaire et autre, pour renforcer la résilience et les réponses autodéterminées des communautés face aux chocs externes tels que les événements climatiques extrêmes et les conflits armés ; et
  • Un soutien politique, social et financier en faveur des initiatives créatives des communautés en matière de partage intergénérationnel des connaissances et d’adaptation des pratiques afin de garantir que leurs visions du monde, leurs valeurs et leurs cultures seront maintenues par et pour les générations futures.

POUR EN SAVOIR PLUS