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Les femmes autochtones à l’origine de changements transformateurs, depuis leurs communautés jusqu’aux instances de pouvoir mondiales

Déclaration de solidarité du Consortium APAC pour la Journée internationale des Peuples Autochtones 2022

First published on 08/05/2022, and last updated on 09/21/2023

À l’occasion de la Journée internationale des Peuples Autochtones 2022, nous célébrons les systèmes bioculturels, langues et pratiques des Peuples Autochtones du monde entier, dans toute leur diversité.

Cette année, nous nous joignons à l’appel des Nations Unies à reconnaître et soutenir « le rôle des femmes autochtones dans la préservation et la transmission des connaissances traditionnelles ». Nous reconnaissons également le rôle de la diversité de genre dans les territoires de vie, y compris les formes uniques de connaissances, de pratiques et de relations avec la biodiversité, que l’on retrouve parmi les femmes, les hommes et les genres non binaires.

À cette occasion, June Rubis, militante et universitaire autochtone (Bidayuh), ainsi que représentante thématique pour la documentation des territoires de vie au sein du Conseil du Consortium APAC, a déclaré que pour assurer un avenir durable pour toutes et tous, nous devons comprendre et défendre les aspirations des femmes autochtones.


« Les femmes autochtones du monde entier partagent une connexion profonde avec la terre et l’eau, ainsi qu’un héritage de dépossession, de racisme et de sexisme. Cette connexion est entretenue par la sagesse et le savoir intergénérationnels en faveur de la protection des terres, des animaux et des plantes pour les générations à venir . Comprendre et défendre les perspectives et les aspirations des femmes autochtones est donc une étape essentielle vers un avenir durable ».

— June Rubis , Représentante thématique pour la documentation des territoires de vie

Comme l’indique notre rapport 2021, les femmes autochtones, dans une grande diversité de contextes, portent et nourrissent des connaissances, des valeurs et des pratiques culturelles uniques et jouent un rôle essentiel dans la gouvernance collective et la conservation de leurs territoires de vie. Elles entretiennent et préservent la santé, le bien-être et la qualité de vie, notamment grâce à des systèmes de souveraineté alimentaire, à l’éducation et à l’apprentissage intergénérationnels et à une résistance active aux menaces à l’encontre de leur existence et leurs modes de vie. Le rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des Peuples Autochtones a également souligné l’importance de défendre le rôle des femmes autochtones dans la conservation de la diversité biologique et culturelle lors d’un appel à contributions pour son prochain rapport thématique au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies.

Des femmes élaborent une cartographie communautaire en Iran. Photo : Cenesta

Toutefois, les femmes autochtones sont affectées de manière disproportionnée par les effets combinés de la crise environnementale et la crise liée aux inégalités sociales, des industries extractives, du capitalisme sauvage et de la conservation coloniale. Les femmes et les filles autochtones sont particulièrement touchées par les menaces externes telles que les expulsions, les intimidations politiques et juridiques et les violences, notamment la violence sexuelle et basée sur le genre, ainsi que par les répercussions psychosociales et les traumatismes intergénérationnels qui en découlent.

De plus, les femmes autochtones sont confrontées à une discrimination et une violence accrues dans leur quotidien lorsque les systèmes patriarcaux et les normes de genre des sociétés dans leur ensemble se superposent à ceux de leurs propres communautés. Comme l’a dit Yamili Nidelvia Chan Dzul (Maya) lors d’un récent échange solidaire, « il est impossible de lutter contre le capitalisme si nous, les femmes, continuons à subir des violences dans nos communautés et nos foyers ». Elle a souligné l’importance de la décolonisation interne : « … nous ne pouvons pas penser à la défense du territoire sans penser que nous, les femmes, devons récupérer notre territoire, nos corps… »

Yamili Nidelvia Chan Dzul (Maya), à propos des femmes, de la terre et de la résistance au patriarcat (en espagnol, avec des sous-titres générés automatiquement disponibles dans d’autres langues). Vidéo de l’échange solidaire du Consortium APAC sur la décolonisation autochtone et l’autodétermination durable en Amérique latine (12 octobre 2021).

Malgré ces nombreux défis, les femmes autochtones conduisent un changement transformateur depuis l’intérieur. Qu’elles concentrent leurs efforts sur le plan local, national ou international, elles refusent de se laisser influencer par le statu quo dominant et sont encouragées par une sororité croissante, fondée sur des expériences et des aspirations communes et sur la célébration de la diversité de leurs identités et de leurs perspectives.

Les grands-mères et les aînées autochtones veillent à ce que leurs systèmes de connaissances perdurent au travers de leurs relations profondes avec les sites sacrés, comme sur le territoire ancestral des Innus, dans l’actuel Canada. Josefina Tunki (première femme présidente du Peuple Shuar Arutam en Équateur), Paine Mako (Massaï) et d’innombrables autres femmes à travers le monde sont en première ligne pour défendre leurs peuples, leurs territoires et la Terre Mère contre les industries et injustices structurelles, celles-là mêmes qui provoquent les crises climatiques et écologiques mondiales et empêchent d’y apporter des réponses efficaces. Les femmes autochtones, y compris les jeunes militantes telles qu’Helena Gualinga (Kichwa Sarayaku) et Archana Soreng (tribu Kharia), en plus d’occuper des postes politiques et de direction au sein de leurs communautés, de leurs organisations, de gouvernements et de forums multilatéraux,  contribuent à créer de nouvelles formes de leadership collectif et de solidarité grâce aux réseaux mondiaux et à la communication créative.

Dans les mois à venir, la communauté internationale aura une opportunité unique de soutenir les aspirations autodéterminées des femmes autochtones et de leurs communautés. Le cadre mondial de la biodiversité pour l’après-2020 de la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique (CDB) est actuellement en cours de négociation. Après la reprise des négociations présentielles en 2022 à Genève et à Nairobi , les Parties à la CDB et les observateurs se réuniront de nouveau à Montréal en décembre pour poursuivre et, espérons-le, conclure les négociations présentielles sur le projet actuel du cadre.

Grâce aux efforts collectifs de nombreuses organisations, le projet actuel contient maintenant des références aux droits des Peuples Autochtones et des communautés locales et à une approche basée sur les droits, ainsi qu’un nouveau projet de cible sur l’égalité des genres. Cependant, il reste beaucoup à faire dans les mois à venir pour s’assurer un soutien suffisant des États Parties, afin de renforcer et de maintenir ces dispositions bénéfiques dans la version finale du cadre.

Depuis le niveau local jusqu’au niveau mondial, les femmes et les filles autochtones affrontent ces défis main dans la main et aux côtés de leurs allié.e.s. Comme Milka Chepkorir (Sengwer) l’a partagé dans un article de blog à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2022, « malgré les nombreux défis et les violations continues à l’encontre des droits des femmes et de leur vie, sous forme de traumatismes, d’abus sexuels et physiques et de discrimination, de nombreuses femmes se manifestent encore de diverses manières pour défendre leurs territoires, pour le bien de leurs enfants et des générations à venir […] et se mobilisent en faveur de la solidarité et de changements transformateurs ».

Des femmes Sengwer au Kenya, délibérant sur leurs droits fonciers communautaires suite à des expulsions en 2017. Crédit : Poppy Korner/Forest Peoples Programme

NdT : certains documents référencés dans le texte par des hyperliens ne sont pas disponibles en français.

Traduction : Rachel Babin et Gaëlle Le Gauyer